Par Hubert Kabasu Babu Katulondi (Libre-penseur et Ecrivain, Directeur USALGA/CRIDD)

Un séisme politique, générateur des effets d’un tsunami communicationnel sur le champ électoral, avait immédiatement suivi la publication par la CENI des noms des candidats présidents non-éligibles. L’intense violence des agressions verbales contre la CENI a été à la lisière de l’extraction des épées des fourreaux. Militants chauffés à blanc. Alerte des relais diplomatiques locaux et étrangers. Conférences de presse avec des discours au vitriol. Inondation des réseaux sociaux avec des interprétations les plus rocambolesques sur les supposées vraies motivations de la CENI pour éliminer les candidats « pressentis inévitablement vainqueurs ». Maintenant que la Cour Constitutionnelle s’est prononcée avec une remarquable impartialité assorti d’un argumentaire-massue et pulvérisant sur l’inéligibilité de ces candidats, la culture politique républicaine leur exige un devoir d’acceptation froide des verdicts. L’esprit républicain impose d’éviter les débordements insolites et les réactions incendiaires.Le même esprit républicain exige également que ceux qui ont été rétablis dans leurs droits par la Cour Constitutionnelle fassent preuve d’humilité et évitent le triomphalisme.







Dans cette cogitation, la thèse est que la violence discursive au vitriol dont la CENI a été victime lors de sa déclaration de l’inéligibilité de certains candidats et aussi les assailles acides dont la Cour Constitutionnelle a fait l’objet après ses verdicts, constituent une dangereuse dérive pour la République. Ces réactions non-pondérées, dénuées de faculté de maîtrise de soi digne d’homme d’Etat, est une indication du déficit de leadership électoral de certains politiciens. Ces attaques sans retenu contre la CENI et la Cour Constitutionnelle préfigurent le niveau de la violence qui pourrait exploser à l’issue des élections en Décembre. Comme société nous devons donc réfléchir froidement face à cette fenêtre ouverte par certains candidats (ambitionnant de gérer l’Etat) sur leur Etre profond aux réactions épidermiques. Cela reflète indéniablement une dramatique propension aux propos incendiaires susceptibles de faire embraser le pays en Décembre 2018.

1. L’URGENCE DE L’INTERIORISATION COLLECTIVE DE LA CENI COMME UNE STRUCTURE REPUBLICAINE A RESPECTER
Force est de rappeler, comme le soulignait Emmanuel Kant, que la République est le produit de la Raison caractéristique des Etres pensants. C’est-à-dire des Etres maîtrisant leurs instincts primaires de violence tant physique que verbale et donc capables de concevoir des lois, de les respecter et surtout d’avoir confiance en elles pour la réponse aux divers griefs. Même ceux émanant des institutions. Dans cette optique, il est d’une impérieuse nécessité de souligner que la CENI est une structure républicaine produite par le déploiement de notre intelligence collective pour résoudre un problèmesociétalépineux. Il consiste à départager en permanence les groupes et operateurs politiques prétendant avoir les meilleures solutions pour développer la RDC. A ce sujet, force est de rappeler que la CENI est unoutil que nous avions conçusà Sun City, par la méfiance que nous avons les uns des autres, et conscients de nos imperfections.

A ce titre, la CENI est à la fois un instrument commun,une structure d’arbitrage politique et un agent régulateur de la normativité de la compétition électorale établie par la société. Ainsi donc, pour avoir une fonctionnalité efficace conforme à sa mission, elle mérite un minimum de respect et de dignité institutionnelle, même lorsqu’il y a des griefs légitimes à sa charge. Dans une analogie sportive de la compétition électorale, le non-respect de l’arbitre par un compétiteur étale un manque de noblesse pour la discipline dans laquelle il œuvre et prétend être le meilleur. Dans certaines disciplines sportives toute violence contre l’arbitre entraine une exclusion de la compétition – les législateurs devraient éventuellement prévoir l’exclusion de certains candidats pour propos mensongers et dommageables contre la CENI. Comme souligné ci-dessous, certes la libertédémocratique autorise que l’on critique la CENI. Il est tout à fait concevable que l’on formule même des remarques rigoureuses contre certaines de ses décisions. Mais la culture politique républicaine impose une éthique politique porteuse d’une stricte démarcation entre les attaques au vitriol sur fond des invectives mensongères d’une part et les arguments cartésiens élégants – voire édifiants pour la société – d’autre part.

2.L’ELECTORALISME EGOTISTE ET LE DEFICIT DE LEADERSHIP ELECTORAL DE CERTAINS CANDIDATS
Dans ma précédente réflexion publiée par les journaux avant-gardistes GEOPOLIS, LA PROSPERITE et L’AVENIR le 27/28 Aout 2018, portant sur « La typologie et la productivité électorale des candidats présidents de la République », j’avais relevé les apories de l’électoralisme Congolais égotiste et artisanal. La violence discursive, les réactions épidermiques caustiques, les imputations fantaisistes dont la CENI a été victime pour sa délibération, et maintenant les attaques caustiques effrénées contre la Cour Constitutionnelle, corroborent ma thèse. Au lieu de réaliser que le pays est dans une phase très délicate, que la CENI n’avait prononcé qu’une décision provisoire et que ladite CENI n’est pas un électron libre, et qu’elle opère sous l’obligation de conformité constitutionnelle à établir par la Cour Constitutionnelle, certains candidats présidentiels ont versé dans une nauséabonde dérive oratoire. Certains candidats sont même passés outre la CENI et s’en sont pris violement au Président Kabila l’accusant (sans preuve et dans une nette diffamation) d’avoir peur d’eux et de chercher à les écarter de la course. C’est de l’outrecuidance discursive. Convaincus qu’ils sont d’une validité présidentielle unique en son genre (sans laquelle le Congo se désintégrerait, pour ainsi dire), avec leurs lieutenants juristes, ils se sontmis carrément àremettre systématiquement en question la compétence technique et juridique de la CENI. Quelques fanatiques se présentant malicieusement comme des « analystes » s’y aussi sont mêlés. Ils ont inondé les media et embrouillél’Esprit de la population avec des interprétations fantaisistes. Cela peut causer un effet déformant, plutôt que formatif et édificateur, de la conscience collective sur notre phénoménologie électorale.
On voit ici une absence de maitrise de soi digne des politiciens au moi hypertrophié. Leurs réactions non-pondérées ont étalé, dans une large mesure, un égocentrisme qui peut être incendiaire dans la fonction présidentielle.Pourtant, l’analyse géopolitique électorale démontre que les égotistes n’engrangeront pas plus d’1% des scrutins. Leurs candidatures sont transactionnelles. Il s’agit d’un positionnement dans la perspective des négociations politiques avec le gagnant, afin d’obtenir des postes dans le prochain gouvernement. D’où, oser compromettre la réalisation de leurs fins égotistes est un vrai crime de lèse majesté. On y cerne aussi un déficit criard en leadership électoral. En effet, au lieu de démontrer qu’ils comprennent mieux le caractère provisoire du prononcé de la CENI, certains de ces candidats ont désorienté les militants en vilipendant une structure républicaine, en déversant de l’acide verbal sur le Chef de l’Etat et, ensuite, en molestant la Cour Constitutionnelle. Ce comportement produit une troncature de la conscience électorale (voire politique) des citoyens, au lieu de cristalliser en eux une culture électorale républicaine. Ainsi ces candidats sèment déjà les germes de la violence électorale et postélectorale en injectant et en martelant dans les esprits de leurs militants l’imagerie d’une CENI et d’une Cour Constitutionnelle instrumentalisées. Leur message est « sans moi c’est l’hécatombe ».

3.CONCLUSION : L’IMPERATIF D’UN MODE MENTAL POLITIQUE PROPICE AUX ELECTIONS PACIFIQUES
Plusieurs études sur le diagnostique du sous-développement de la RDC (voire la synthèse de 14 études dansRésilience d’un Géant Africain, Ed. Johannes Herderschee, 2011, MediasPaul, pages XVI-XVII) sont unanimes sur la thèse de la fragmentation dysfonctionnelle des élites comme l’une des causes premières du blocage de l’éclosion de la RDC. Ces dysfonctions jaillissent de manière plus dangereuse dans la saison électorale. L’égotisme, l’artisanat électoral, le déficit de leadership électoral, la mobilisation des allégeances primaires, l’éruption de leur instinct de thanatos (l’anéantissement de l’autre), la capacité inouïe de désorienter les masses, y apparaissent avec une effrayante acuité. Une saison du jaillissementrécurrent de la démence politicienne (enfouie en nous) pour l’accès au pouvoir et la gloire. Cette situation démontre que nous sommes encore dans un « mental mode » politique de violence propre à l’Etat de nature hobbesien. Celui-ci est capable de dégénérer en violence physique (voire armée)incendiaire pendant les élections et à l’annonce des résultats. Cette expérience a aussi révélé que l’arsenal juridique électoral doit être corrigé. Il est indispensable de préciserexplicitement dans la loi électorale, par exemple, l’inéligibilité pour cause de subornation des témoins. Il est tout aussi impératif de clarifier dans la loi sur la nationalité que le recouvrement de la nationalité ne restaure par la nationalité d’origine – si c’est concevable bien entendu. Leratio legis est anima de la Loi Electorale doit absolument être explicitée pour éclairer sa logique de sélection des meilleurs dans une optique morale, en distinguo au juridisme du Droit Pénal visant la condamnation et la peine y relative. Cette expérience appelle donc une réflexion profonde pour des actions correctives qui s’imposent dans tous les aspects impliqués.
L’une des fissures dans le jugement que portent les politiciens sur la CENI provient du fait que chacun veut une CENI au service de sa propre victoire électorale. Nous ne devons pas être obnubilés par la recherche de la victoire électorale, dans un élan égotiste, au point d’ignorer que notre démocratie procédurale est encore en construction. Elle est donc susceptible de connaitre des disfonctionnements, voire des ratés.La RDC ne doit aucunement être incendiée pour cela. Comme société, nous devons éviter l’hécatombe de la violence postélectorale devenue pathologique en Afrique, en remodelant déjà nos attitudes et comportements électoraux dès maintenant. A cet effet, la CENI devrait initier un forum électoral de haut niveau avec les candidats présidents, pour graver dans les esprits de tous et de chacun l’impérativenécessité de favoriser la paix. Les leaders politiques matures (surtout ceux qui ont géré le Gouvernement) sont censés être conscients des défis et contraintes auxquels la CENI fait face, dans les périlleuses et inéluctables contradictions de notre société, afin de modeler leurs comportements en faveur de la cohésion minimale des élites, pour des élections apaisées. Après les deux élections parsemées de violence en 2006 et en 2011, décidons ensemble comme peuple de matérialiser les meilleurs scrutins comme proposé par le Gouvernement de la République. C’est un défit à notre intelligence collective. Notre discours et nos comportements électoraux, voire le génie déployé dans la mise en œuvre de la précampagne et de la campagne électorale, constituent le miroir de notre civilisation républicaine.
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