Depuis dimanche, les réseaux sociaux congolais explosent car à peine Martin Fayulu avait- il été désigné, à la suite d’un vote, comme candidat unique de l’opposition que deux des signataires, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe se retiraient de l’accord, invoquant la pression de leur base. Quant à la Fondation Kofi Annan, qui avait organisé la coûteuse rencontre de l’hôtel Warwick à Genève, (dont on ignore toujours la source de financement) elle a publié tous les actes d’engagement des protagonistes, qui avaient, entre autres promis de mettre fin à leur carrière politique et d’être soumis à l’« opprobre de la nation » et à « la sanction de leurs pairs » en cas de non respect de l’accord dit « Lamuka » (réveille toi en swahili…)

En lisant les documents qui avaient obtenu l’assentiment des sept prétendants à l’élection présidentielle, on découvre que le candidat commun s’était engagé à obtenir le rejet de la machine à voter, le nettoyage du fichier électoral, la décrispation, passant par la libération des prisonniers politiques. Or ces positions, fermement défendues par Martin Fayulu, réputé l’un des plus intraitables sur ces points, auraient immanquablement mené à un report des élections. Au cours de ce délai, d’une durée indéterminée, le pouvoir, aurait été partagé et aurait sans doute permis de ramener dans le jeu politique les deux exclus les plus célèbres et les plus soutenus, l’ancien gouverneur Moïse Katumbi et le leader du MLC Jean-Pierre Bemba.

Les motivations des deux « renégats » ont donc pu être multiples : Félix Tshisekedi, on le sait, avait accepté que les élections aient lieu à la date prévue, avec ou sans machine à voter et il n’approuvait guère l’idée d’un autre retard. En outre, l’UDPS, le plus ancien des partis d’opposition, estime, aujourd’hui comme hier, que son temps est venu et les militants de base n’acceptent pas l’effacement de leur candidat qui porte le nom mythique de la famille Tshisekedi. Quant à Vital Kamerhe, son parti l’UNC est lui aussi très bien implanté, surtout dans l’est du pays et ses partisans n’avaient pas caché leur déception devant la mise à l’écart de leur champion.

A ces considérations politiques, l’opinion congolaise, presque unanime, ajoute l’hypothèse d’un « double jeu » qui aurait été mené depuis le début : s’ils avaient été choisis comme « candidat unique », tant Kamerhe que Tshisekedi auraient été prêts à accepter, en cas d’échec électoral devant le dauphin Shadary, un prix de consolation, en l’occurrence le poste de Premier Ministre dans un « gouvernement de cohabitation ». Aujourd’hui que le « candidat unique » Martin Fayulu, a été lâché à peine nommé, les deux hommes, qui avaient déjà mené des pourparlers avec la galaxie Kabila, peuvent espérer être récompensés de leur geste et donc gagner quelque chose, de toutes façons…

On peut se demander aussi comment Martin Fayulu, un vétéran en politique mais dont le parti ECIDE ne dispose que d’un siège à l’Assemblée a pu se retrouver élu candidat unique et donc présidentiable. La réponse, disent les observateurs réside dans le mode de scrutin imposé par la facilitation et en particulier par l’irréprochable et très rigide Alan Doss : chacun des sept candidats, les « validés » (Vital Kamerhe, Félix Tshisekedi, Freddy Matungulu et Martin Fayulu) comme les « invalidés » (Adolphe Muzito, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi) avaient droit à deux voix. Au deuxième tour du scrutin, les « validés », seuls en piste, pouvaient utiliser l’une de leur voix en votant pour eux-mêmes, et la deuxième pour un autre candidat. « C’est le principe du plus petit dénominateur commun qui a prévalu » décode le politologue Bob Kabamba : « se méfiant du roublard ou de l’orgueilleux qui allaient tout prendre, chacun a préféré voter pour un candidat plus modeste, plus « partageux » et c’est ainsi que Fayulu s’est retrouvé gagnant. »

Or Fayulu, précisément, défendait l’agenda de la communauté internationale, c’est-à-dire obtenir un report des élections et une nouvelle transition, qui aurait permis de faire « monter à bord » les deux vrais poids lourds, Katumbi et Bemba, désormais autorisés à se présenter au nom de l’inclusivité et qui auraient évincé tous leurs rivaux…

Faut-il dire que le Front Commun du Congo, créé autour du dauphin de Kabila, n’est pas resté inactif : utilisant ses réseaux et ses moyens financiers, il a tout mis en œuvre pour faire échouer, une fois de plus, une stratégie qui voulait mener à un changement de régime et à l’installation au pouvoir de personnalités plus familières que l’inconnu Shadary ou qu’un Kabila qui, cette année, a tenu à modifier le code minier et à augmenter la redevance des multinationales…

Que l’opposition congolaise, après tant de rencontres, d’efforts diplomatiques et de pressions multiples, se soit montrée incapable de s’unir sur une candidature unique, seule capable de remporter le scrutin à un tour, confirme aussi le vieux proverbe selon lequel « il est inutile de mener à l’abreuvoir un cheval qui n’a pas soif »…

Colette Braeckman
Le Soir
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