[EXCUSIF] – L’homme d’affaires congolais, Sindika Dokolo a été reçu, le week-end dernier, par le chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, en marge de sa mission de travail à Washington DC. Dans une interview exclusive accordée à Zoom Eco, cet opérateur économique estime que le premier des citoyens congolais a les choses bien en mains et des idées claires sur le cap qu’il veut fixer mais aussi les moyens d’y parvenir.
De l’objet de son séjour américain à son contentieux judiciaire « politisé » en passant par sa perception de la lutte contre la corruption et l’impunité, les défis de la bonne gouvernance en RDC et sa vision pour la promotion de l’entrepreneuriat local, Sindika Dokolo a, répondant à nos questions, levé un pan de voiles sur le contenu de ses échanges avec le chef de l’Etat. Ci-dessous, l’interview :

Zoom Eco : Quelle est la raison de votre présence à Washington pendant que le chef de l’Etat y séjourne dans le cadre d’une mission de travail ?
Sindika Dokolo : En tant que membre de la société civile, je fais partie des congolais de la diaspora. Nous avons un espoir et nous attendons le changement pour la situation du pays. C’était pour moi l’opportunité de le féliciter pour son élection. Mais aussi de m’enquérir de sa vision pour son mandat sur des questions qui me semblent centrales, celles ayant trait au rôle de la société civile mais aussi aux opérateurs économiques nationaux.

J’étais très heureux de constater qu’il y avait une forte délégation d’hommes d’affaires congolais qui ont pu établir des contacts avec leurs homologues américains. J’ai trouvé que c’était très intéressant pour pouvoir les connaitre et échanger avec eux. Voilà, l’objet de ma présence !

ZE : Qu’est-ce que vous lui avez dit concrètement et que vous a-t-il répondu ?
SD : C’est une audience avec le chef de l’Etat. Vous souffrirez que je n’en révèle pas la teneur exacte. Mais, j’ai été assez content d’entendre sa disposition sur certains points. D’abord, sur l’importance de l’établissement de l’état de droit et du changement dans notre pays. Ensuite, sur la vision économique. Je pense qu’il a clairement intégré le fait que le changement au Congo passera avant tout par le développement économique sur le long terme et de manière inclusive. Enfin, sur la création d’emplois avec la résolution des attentes sociales du peuple, lesquelles semblent être au cœur de ses préoccupations.
Donc, j’ai été rassuré de l’entendre. Parce que je me suis rendu compte qu’il a endossé maintenant le costume du président de la République, qu’il a les choses bien en mains et qu’il a des idées claires sur le cap qu’il veut fixer mais aussi les moyens d’y parvenir.
ZE : Les USA veulent accompagner Félix dans sa lutte contre la Corruption.
SD : Nous sommes un pays de presque 100 millions d’âmes avec une jeunesse qu’il va falloir mettre au travail. Nous devons être une économie attractive pour les investisseurs étrangers et permettre à ceux de nos concitoyens qui ont des talents de pouvoir évoluer dans un environnement favorable. De ce point de vue, la corruption n’est pas une question personnelle mais stratégique.
Si on n’arrive pas à trouver de réponses concrètes et rapides à ce fléau, aucune perspective de développement ne peut être envisagée. Je pense qu’il y a des principes qui sont simples. Parce qu’on établit un état de droit, cela veut dire qu’il faut véritablement une réforme de la justice. Et, il faut une réforme de comportements. Ce processus commence par le haut. C’est important que notre classe politique aujourd’hui se rende compte qu’elle est tenue à l’œil.
ZE : Comment peut-il arriver à relever ce défi dans le contexte actuel ? 
SD : Des réformes courageuses. Je sais que les gouvernements sont les fruits des accords politiques. Mais, je souhaite pour certaines questions centrales comme celles liées à la justice que l’on puisse s’ouvrir non seulement à des figures politiques mais aussi inviter d’autres forces de la nation dont fait partie la société civile (précision : je ne parle pas de moi, je suis candidat à rien).
Il y a beaucoup d’organisations de la société civile qui ont fait un travail formidable depuis des années pour renforcer cette lutte contre la corruption, le renforcement de l’Etat des droits, les droits humains, etc. Ils pourraient bien aider le président à réformer avec plus d’efficacité ces secteurs clés.
ZE : Que souhaiteriez-vous qu’il fasse de kulunas en cravate qui jouissent encore de l’impunité ?
SD : Je pense qu’il faut être prudent avec cette question de sentiment de vengeance. L’impunité de certaines élites, lorsqu’elle est comparée avec la souffrance du peuple au quotidien, ça provoque de la colère et l’émotion. La justice, c’est quelque chose qui doit s’appliquer de manière dépassionnée et systématique. L’Etat de droit, nous oblige tous, citoyens congolais, à être soumis et égaux devant loi. Tout cela passe par la justice.
Je pense que le président de la République, en tant que garant des institutions, doit être à la manœuvre pour imprimer réellement ce changement-là. Et qu’effectivement, on puisse mettre un terme à l’impunité. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de deals qui ont été fait sur nos matières premières, … sur lesquels on va devoir faire la clarté. C’est important qu’il n’y ait plus de zones de non droits dans la vie publique nationale. Et c’est important qu’on développe cette culture de la transparence. La justice doit s’appliquer de manière dépassionnée et systématique.
ZE : Comment y parvenir ?
SD : C’est vrai qu’il y a la volonté politique, ce qui est important. Mais, il y a aussi la question de la société civile et des citoyens congolais. C’est important que les congolais se rendent compte qu’ils sont citoyens même après les élections. Ils doivent rester engagés. Etre un bon citoyen, c’est être capable de s’engager sur les questions fondamentales quand on a le sentiment que les dirigeants commencent à dévier ce qui devrait être le droit.
Au niveau de « Congolais débout », on veut absolument que la société civile puisse jouer un grand rôle. Que ce soit l’église catholique ou les membres de la société civile, constituons une véritable force d’accompagnement, de canalisation, de garde-fou, … pour éviter parfois que les excès du passé ne puissent se répéter.
ZE : Que doit faire le président Fatshi pour relever les défis de la bonne gouvernance ?
SD : D’abord, je pense qu’il doit fixer un cap à long terme et un moyen terme avec des indicateurs de performance objectifs dans certains domaines stratégiques. Bien que du Front commun pour le Congo (FCC), les gens avec qui il va travailler devront porter fidèlement sa vision. Ensuite, par rapport à la société en général, c’est important qu’il clarifie le cap. En disant par exemple nous avons cinq objectifs majeurs pour ce mandat. L’objectif étant de permettre au peuple de savoir où allons-nous et comment atteindre ces objectifs-là.
Je crois que c’est mauvais d’exclure les gens. Je pense que tout le monde doit-être invité à trouver sa place, à trouver son rôle. Et qu’on puisse tous marcher dans la direction de la reconstruction du Congo.
ZE : Quelle est votre vision par rapport à l’entrepreneuriat congolais ? 
SD: Pour moi, la question des investisseurs nationaux est vraiment cruciale. Mon père était un homme d’affaires qui a marqué l’histoire économique de notre pays. Et donc, mon désir, c’est de reprendre le flambeau et de continuer l’œuvre que lui a commencé à une autre époque. Je fais partie de ceux qui ont la certitude, la conviction qu’un pays ça ne se développe pas avec l’investissement étranger.
C’est vrai que des capitaux internationaux sont importants pour donner un ballon d’oxygène à une économie. Mais, ceux qui créent de l’emploi, la croissance, ce sont les opérateurs économiques nationaux et les PME. C’est ce dont nous avons besoin. Le thème que je porte et pour lequel j’essaye de convaincre tous les interlocuteurs, notamment le président Tshisekedi, c’est de dire qu’il est important de créer l’environnement propice pouvant donner l’opportunité de créer des champions congolais.
ZE : Etes-vous prêt à rentrer en Rd Congo pour y investir ?
SD : Ma force, ma capacité, c’est que j’ai eu l’opportunité d’apprendre, de créer de business à l’extérieur et puis j’ai appris de mes échecs et de mes succès. Mon souhait, c’est de pouvoir rentrer au Congo et réaliser de projets pouvant inspirer la jeunesse congolaise. C’est important que nos jeunes se rendent compte que pour réussir dans la vie, on peut faire autre chose que footballeur, chanteur, pasteur ou politicien.
Qu’on se rende compte qu’on peut être fier d’être homme d’affaires congolais. Que les valeurs comme la création d’emplois, la création de richesses, le fait qu’on paye des impôts et qu’on participe à l’édification du pays, c’est quelque chose qui est à respecter et à encourager. C’est cette culture-là que je voudrais qu’on essaye d’implémenter. C’est de ça qu’on a également abordé avec le président de la République.
J’ai voulu le féliciter parce qu’il a, parmi ses collaborateurs, ceux qui ont le profil d’une grande expérience du secteur privé. Et lui dire que nous étions là, afin de l’aider à matérialiser sa vision. C’est le président de tous les congolais. On n’est pas partisan. Mais nous voulons donner du sien pour construire notre pays. Nous serons toujours aux premières loges. Puisque je suis « congolais débout », nous resterons débout pour répondre à l’appel du Congo.
ZE : Y’a – t – il de préalables pour vous afin de rentrer investir en Rd Congo ? 





SD : Non, il n’y a pas de préalables. Parce que je pense qu’on est dans une séquence politique qui a complètement changé. Il y a eu de messages très clairs qui ont été envoyés dans le sens d’un plus grand respect de la liberté de gens. Des institutions avaient été instrumentalisées à des fins politiques, quand on exprimait des points de vue, il fallait faire face à la sécurité et à la justice.
ZE : Est-ce vraiment le cas avec le procès qui a abouti dernièrement à votre condamnation ?
SD : Concernant cette histoire de procès politisé, je pense que c’est le cas. Il n’y a plus personne au Congo qui croit qu’il n’y avait pas eu instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes. J’étais une victime parmi tant d’autres. C’était juste une manipulation révoltante de la justice. C’est important que le président de la République ne se substitue à la justice qui, elle, est indépendante. C’est un des éléments centraux d’un état de droit. C’était aussi l’objet de l’échange que j’ai eu avec le président Félix Tshisekedi.
C’est de dire que je n’ai pas de faveur à demander parce que je suis un légaliste. J’ai fait état de la situation, j’ai expliqué et il m’a écouté avec soins en quoi est-ce que dans mon dossier il y avait des manipulations notamment au niveau de l’affaire au pénal. Mais que cela dit, lorsqu’il y a des différents entre des citoyens sur des questions civiles, je pense que la justice doit faire son travail. Et elle doit trancher sans interférences politiques dans un sens ou dans un autre.
Je lui ai fait part des initiatives que j’avais mises en place afin de réparer le tort qui m’avait été fait dans l’instrumentalisation de la justice, précisément dans mon dossier en cassation qui poursuivra son court. Je pense qu’il a écouté avec attention et avec bienveillance. Et il était assez satisfait de mon approche, celle de laisser la justice faire son travail. En tant que garant du bon fonctionnement des institutions, il était important qu’il ait tous les éléments nécessaires attestant qu’il y a eu instrumentalisation de la justice avec la motivation de nuire.
Je suis un congolais toujours debout lorsqu’il s’agit de reconstruire notre pays, la République démocratique du Congo.
Propos recueillis par Eric TSHIKUMA zoom-eco
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