100 jours après son arrivée au pouvoir, quel bilan pour Felix Tshisedki ? Quelle marge de manœuvre a le nouveau président congolais alors qu’il est venu au pouvoir suite à un accord politique avec le pouvoir sortant ? Stephanie Wolters, chercheuse pour l’Institut pour les stratégies sur la sécurité (ISS) et spécialiste de la République démocratique du Congo est l’invitée de Léa-Lisa Westerhoff.
Quel bilan faites-vous des cent premiers jours au pouvoir de Félix Tshisekedi ?

Stephanie Wolters: Ce que nous pouvons dire, tout d’abord, c’est que les contraintes politiques, autour de lui, dues à la victoire du FCC dans les Assemblées provinciales, à l’Assemblée nationale et au Sénat, sont réelles.

Ensuite, je crois que Tshisekedi essaie de poser des grands axes comme par exemple la libération de quelques prisonniers politiques ou encore le fait que Moïse Katumbi puisse rentrer bientôt au pays. Ce sont là des gestes symboliques. On ne sait pas s’il va continuer sur cette voie mais je crois qu’il a compris qu’il fallait quand même montrer à la population qu’il est un peu différent.



Cependant, il est très difficile de parler d’un vrai bilan parce qu’il n’y a toujours pas de gouvernement ni de Premier ministre. Or, ce sera surtout à partir de là que l’on saura vraiment juger la direction que prendra ce gouvernement.





Comment cela ? A quel point ce gouvernement est-il crucial pour pouvoir juger l’action de Félix Tshisekedi ?

D’abord, cela nous dira qui, au sein de la famille politique de Kabila, est encore dans le circuit intérieur proche de Kabila. On saura un peu et ainsi comment les choses se dessinent au sein même de cette élite kabiliste du FCC. On saura aussi si Tshisekedi a pu quand même imposer sa volonté par rapport aux différents ministères. Évidemment, il y a les ministères-clé comme la Justice, la Défense, l’Intérieur ou celui de l’Economie. On sait que les différents partis se battent un peu pour avoir ces postes importants. On saura, par conséquent, à quel point Tshisekedi a pu ou non s’imposer.



En même temps, cela nous dira également beaucoup sur la direction que prendra le gouvernement. Si Kabila réussit et s’il met des gens que l’on connaît depuis longtemps – les caciques de son administration – à des postes-clés, on saura non seulement qu’il n’y a pas vraiment de changement mais aussi que Kabila lui-même n’est pas prêt à montrer qu’il prend la direction du changement.

Vous dites que Félix Tshisekedi est contraint ?

Oui, absolument. La question que l’on se pose, c’est celle de savoir si Tshisekedi, en acceptant le deal politique qui a mis à l’écart le vrai vainqueur, a su à ce moment-là que l’Assemblée nationale allait avoir une majorité accablante FCC et que finalement cela n’allait pas lui donner beaucoup de marge de manœuvre.

En tout cas, ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que l’on voit les difficultés de ce compromis politique. Il y a, en effet, les ambitions de l’élite politique de Kabila et celles de Kabila lui-même qui vont à l’encontre des ambitions de Tshisekedi qui lui veut se montrer indépendant et montrer que c’est vraiment une nouvelle ère.

Pourquoi, selon vous, Félix Tshisekedi a-t-il lancé un programme très détaillé pour ses cent jours ?

Je crois que Tshisekedi est très conscient du fait que les gens n’ont pas voté pour lui. En même temps, les Congolais semblent avoir accepté cette nouvelle réalité mais pour combien de temps ? Ils l’ont d’abord acceptée parce qu’ils croyaient qu’il y avait une opportunité ou encore une possibilité de changement de par le départ de Kabila et c’est pourquoi Tshisekedi et les gens autour de lui savent très bien qu’il faut au moins essayer de donner l’image d’une vraie présidence Tshisekedi et de poser des actes pour se démarquer.

Est-ce que ce n’est pas un peu risqué puisqu’on le voit, cent jours après, il y a un certain nombre de grands travaux, en effet, de routes qui ont été construites mais aussi tout un tas de promesses qui n’ont pas été tenues ? On a le sentiment qu’il y a un décalage entre les annonces notamment au sein de ce programme et la réalité aujourd’hui.

Il n’a pas les moyens de sa politique. Il n’a pas du tout la mainmise sur l’appareil sécuritaire et il n’a même pas encore la mainmise sur les finances de l’État. Il a une équipe qui est jeune et qui est en train de s’habituer à ce travail. Il y a donc énormément de défis pour qu’il puisse commencer réellement à traiter les grands problèmes de la RDC, c’est-à-dire l’insécurité à l’Est, la corruption, la mauvaise gouvernance, l’état socioéconomique et tout cela. Je crois que là, il a peut-être trop promis. La question, c’est de voir si la population met le blâme sur Tshisekedi ou bien sur Kabila.

Sur cette question de la rupture ou de la continuité, est-ce qu’on peut avoir un scénario du type angolais ? Est-ce que Félix Tshisekedi pourrait être le Lourenço de Kabila par exemple ?

En Angola, les contraintes autour de Lourenço étaient beaucoup moins importantes que celles autour de Tshisekedi. La dynamique est très différente. João Lourenço a dû se battre évidemment avec la famille Dos Santos et ceux qui y étaient liés. Tshisekedi doit, lui, se battre avec tout un système qui n’est pas parti, qui a sa force, ses institutions et qui a ses leviers politiques et constitutionnels. C’est très différent.

Un vrai changement est-il possible, en réalité, avec cette configuration ?

Si Tshisekedi réussit à faire quelques avancées importantes et s’il a la volonté de prendre de vrais risques, je crois que oui, parce que le FCC ne restera pas toujours intact. C’est impossible que cette alliance de beaucoup de partis qui existe justement parce que Kabila était au pouvoir, reste intacte. Si des gens du FCC commencent à venir vers lui, cela changera peut-être tout doucement l’espace politique en RDC.

Source: RFI
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