Samedi 1er juin 2019, après deux ans et demi dans le froid d’un caveau au royaume de Belgique, le corps du Sphinx de Limete, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, vient d’être mis en terre au pays de ses ancêtres, dans un somptueux mausolée à Kinshasa dans une concession familiale à la N’Sele, qui aurait coûté selon certains 2,5 millions d’USD et d’autres avancent le chiffre de 9 millions d’USD.
Ce, au terme des obsèques de trois jours au stade des Martyrs de la Pentecôte, lieu et appellation qui rappellent ironiquement, si l’on veut, la part d’ombre d’Etienne Tshisekedi, alors ministre de l’Intérieur sous Mobutu en 1966. Au fil du temps, très peu se souviennent que ce stade porte le nom des martyrs qui sont Jérôme Anany, ministre de la Défense du gouvernement Cyrille Adoula, Emmanuel Bamba, sénateur et dignitaire de l’Eglise kimbanguiste, Evariste Kimba, Premier ministre jusqu’en novembre 1965, et Alexandre Mahamba, ministre des Affaires foncières du gouvernement Adoula, pendus les yeux crevés, officiellement pour avoir comploté contre le Président Mobutu.

En direct à la Radiotélévision nationale congolaise -RTNC-, les RD-Congolais de Kinshasa et d’ailleurs n’ont manqué aucun moment de ces magnifiques obsèques de Tshisekedi le père, tout un événement aux allures de grosse production télé. À l’ex stade Kamanyola, débaptisé stade des Martyrs par Mzée Laurent Désiré Kabila, le Président de la République démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi, fils biologique du feu Opposant historique, n’a pas lésiné sur les moyens… de l’Etat.



Le Peuple d’abord? Les RD-Congolais dont 15 millions souffrent de malnutrition, parmi lesquels 5 millions d’enfants, et 27 autres millions ne mangent pas à satiété, selon un rapport du Programme alimentaire mondial -PAM-, sont venus nombreux rendre un dernier hommage à ‘Ya Tshitshi’. Bien que certains en haillons, les Kinois ont convenablement accueilli les différents cortèges des autorités qui ont fait le déplacement de l’antre du Stade des Martyrs, lieu du deuil, mieux des festivités, le vendredi 31 mai. Il s’agit notamment de ces trois présidents des pays voisins, Denis Sassou Ngwesso du Congo-Brazza, João Laurenço de l’Angola et même Paul Kagame du Rwanda.

La veuve d’Etienne, affectueusement appelée Mama Marthe, a, elle aussi, gratifié le regard des RD-Congolais d’un tour du terrain dans un sobre cortège de dix Jeeps Mercedes pimpants neuves, certainement avec des sentiments partagés entre la satisfaction de voir enfin le corps de son défunt mari regagner sa terre mère et la fierté de voir finalement son combat couronné par la prise du fauteuil présidentiel par son rejeton. Ce qui est légitime.

Des fils-Présidents pour des pères héros nationaux…

Bien plus, le fils, a davantage honoré la mémoire de son père Tshisekedi. Par l’Ordonnance n°019/064 du 31 mai 2019, Félix a élevé son père Tshisekedi au rang de Grand cordon de l’Ordre national des Héros nationaux Kabila-Lumumba, grade le plus élevé à ce jour, et la médaille de héros national lui a été décernée. Nul ne pourrait contester le fait quEtienne Tshisekedi mérite bien cette reconnaissance de la nation au vu du combat pour la démocratie qu’il a mené pendant des décennies. Une lutte qui a notamment permis de libéraliser la parole dans une république du Zaïre d’alors muselée sous la dictature de Mobutu.

Des indiscrétions n’excluent pas que Tshisekedi, d’heureuse mémoire soit élevé au rang de héros national, et ainsi, rejoindre les illustres Patrice Emery Lumumba, un des pères de l’indépendance, et Laurent Désiré Kabila, qui a libéré les RD-Congolais du joug de la longue dictature mobutienne qui aura duré 32 ans. Ce dernier avait été, lui aussi, élevé à ce rang de héros par son fils biologique, Joseph Kabila, prédécesseur de Félix, lorsqu’il avait pris la fonction de Président de la RD-Congo. L’histoire se répèterait-elle?

Mémoire sélective

Sur les antennes de RFI, une RD-Congolaise de l’Est du pays s’en était émue, se demandant si le prochain président ferait également de son géniteur héros national. Dans ce pays où les frustrations sont aussi nombreuses que profondes, la question vaut bien son pesant d’or. Et certains analystes vont davantage loin, en parlant d’une mémoire sélective. L’on se rappelle que beaucoup de RD-Congolais, les Né-Kongo en première ligne, réclament depuis des décennies l’élévation de Joseph Kasa-Vubu, premier Président du Congo indépendant et un des principaux artisans de l’indépendance, au rang de héros. Mais, rien n’y a fait.

Leurs voix demeurent juste inaudibles. «Le pauvre aurait dû avoir un fils-Président, lui aussi!», ironise avec amertume Monsieur Phanzu, un octogénaire Né-Kongo dégouté de ce qu’il qualifie d’injustice historique. Il rappelle en même temps que Maurice Mpolo et Okito, ces compagnons de Lumumba, ont également défendu le Congo jusqu’au sacrifice suprême, qu’ils n’ont pas été moins héroïques que ceux que «la mémoire sélective des RD-Congolais, à vrai dire des dirigeants qu’on a eu à ce jour, a bien voulu retenir».

Pour lui, comme pour un nombre de plus en plus croissant d’analystes, l’histoire de la RD-Congo est encore à écrire, car beaucoup des personnalités se sont distinguées dans leur combat pour le bien du pays et de son peuple, à l’instar du Prophète Simon Kimbangu, Kimpa Vita, et de tant d’autres que les historiens et le peuple a choisi simplement d’oublier, laissant le souvenir de leur sacrifice se noyer sous l’épaisse poussière de l’indifférence collective.

L’on se souvient parfaitement du récent débat sur l’opportunité de célébrer le 17 mai, alors que Joseph Kabila, fils de M’zée n’est plus Chef de l’Etat. L’on a vu des “intellectuels”, paraissant réfléchir plus avec leur cur qu’avec leur intellect, dont un enseignant d’université, verser dans un déni éhonté de l’histoire récente du pays en cachant mal son aversion de la personne de Joseph Kabila et de sa gestion, qui du reste est postérieure à l’action et à la vie de M’zée LD Kabila. Il a remis tout simplement en question la commémoration de la date du 17 mai.

«… voilà 22 ans, jour pour jour que les congolais ont pris l’habitude de commémorer ce qu’ils ont appelé, la libération du Congo par l’Afdl, Alliance des Forces Démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre. Mais le 17 mai 2019 n’est pas comme les autres années. Car, depuis un peu plus de cent jours, le pouvoir a changé de main en RDC. Les élections de décembre 2018 étaient censées mettre fin au régime de l’Afdl qui a porté le clan Kabila au pouvoir. Mais, force est de constater que malheureusement, c’est comme si l’alternance tant souhaitée n’a pas eu lieu”, souligne-t-il. Une honte pour ce peuple dont la reconnaissance ne dure souvent que le temps d’un éclair.

HRM
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