Les casques bleus de l’ONU ont révélé la présence de deux bataillons de l’armée rwandaise sur le sol congolais, selon le journal en ligne britannique Africa Confidentiel, le 20 juin 2019. Ces troupes rwandaises ont pris position dans le parc national des Virunga, Province du Nord-Kivu, et dans les zones frontalières avec le Burundi, Province du Sud-Kivu, selon le journal britannique, qui ajoute que cette intervention sur le sol congolais est destinée à lutter contre les groupes armés, sans préciser la durée et l’identité des groupes armés visés. Du côté de Kinshasa, c’est silence radio.
L’occasion de rappeler les prescrits du droit international et national (I), et d’attirer l’attention sur les conséquences de pareils laissez-faire (II), s’agissant d’une utilisation de la violence dans des territoires habités par des citoyens congolais.
I. Principe de non intervention et souveraineté des Etats

En droit international, l’utilisation de la force armée sur le territoire d’un Etat souverain est en principe interdite. Elle n’est légitime que dans deux cas de figures : l’invitation de l’Etat concerné, notamment dans le cadre des accords de défense, ou un mandat de l’ONU en application du chapitre VII de la charte de l’ONU . Si le Conseil de sécurité identifie « une menace contre la paix, rupture de la paix ou acte d’agression », il peut « prendre les mesures nécessaires pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ». C’est sur base de cette deuxième exception qu’une force onusienne, la MONUSCO, est déployée sur le sol congolais avec des contingents militaires et de police en provenance de 57 Etats membres de l’ONU.
Sur la première condition, ayant trait à l’invitation, l’Etat congolais n’a pas d’accord de défense avec le Rwanda, considéré dans l’opinion générale congolaise comme un Etat ennemi en raison des guerres d’agression et d’occupation qu’il a menées contre le Congo depuis 1996. Les Guerres de l’AFDL-1996, du RCD/1998, du CNDP/2006 et du M23/2012. Elles furent marquées par des atrocités innommables répertoriées dans le Rapport Mapping 2010 , des viols utilisés comme arme de guerre, et des pillages des ressources minières de la RDC. Plus de six millions de Congolais furent tués au cours de ces guerres d’agression et d’occupation. Depuis, aucun accord de paix n’a jamais été signé entre les deux Etats pour résorber ce lourd passé. Sur le plan formel, au niveau des autorités de Kinshasa, ni le parlement, ni le Premier ministre, ni le président Tshisekedi n’ont publié un document officiel autorisant le déploiement des troupes rwandaises sur le sol congolais.

Charte de l’ONU
Sur la seconde condition ayant trait au droit international, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a adopté aucune résolution autorisant le Rwanda à déployer ses forces armées sur le sol congolais.
Nous sommes donc en présence d’une occupation militaire du territoire congolais par une armée étrangère sans aucun mandat officiel.
Le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, dont la RDC est partie, considère l’occupation militaire comme un crime international, crime d’agression (article 8 bis, al. a) . Sur le plan national, les autorités congolaises qui auraient éventuellement collaboré à cette intervention militaire illégale sur le sol congolais sont passibles de poursuites pour crime de haute trahison, aux termes de l’article 63 de la Constitution. Il consacre « le devoir de sauvegarder l’intégrité du territoire national par toute autorité nationale, provinciale, locale et coutumière ».
A supposer que les conditions du droit sont remplies, ce qui n’est pas le cas, une présence militaire rwandaise est un péril grave pour le Congo et les populations congolaises, compte tenu des expériences du passé et du contexte sécuritaire régional actuel.
II. Le péril d’une présence militaire rwandaise au Congo

Ce péril se situe à la fois au niveau des tensions régionales et des blessures du passé. Au sujet des tensions régionales, il faut rappeler la guerre larvée que se livrent le Rwanda et le Burundi depuis la tentative de coup d’Etat contre le président burundais Pierre Nkurunziza, en mai 2015, par des forces soutenues par le Rwanda voisin. Le putsch manqué avait été suivi par une rébellion soutenue par le Rwanda.
Dans un article de janvier 2016, la radio française RFI avait révélé que des rebelles burundais, réfugiés au Rwanda, s’infiltraient vers les zones frontalières du Congo et du Burundi, à Ruzizi et Kavinvira, après avoir suivi des entrainements militaires au Rwanda et obtenu des cartes d’électeurs congolais des mains du M23, une milice tutsi qui avait sévi dans l’est du Congo en 2012 et 2013. Ces rebelles burundais sont considérés comme une menace armée grave par le gouvernement burundais. Un déploiement des bataillons de l’armée rwandaise le long des frontières ouest du Burundi devrait entraîner la réaction de Bujumbura et exposer le territoire congolais à un conflit militaire régional.

Au sujet des blessures et des expériences du passé, il est peu probable que l’armée rwandaise intervienne au Congo pour lutter contre les groupes armés. Les effectifs militaires opérant sur le sol congolais sont suffisamment massifs pour que l'efficacité d’un petit effectif de soldats rwandais apparaisse comme crédible. Le Congo a une armée de 150 militaires à laquelle il faut ajouter 18 mille personnels militaires et de police de la MONUSCO, 100 mille policiers et une brigade d’intervention de l’ONU de 3 mille soldats, créée, justement, en 2013, par l’ONU, pour lutter contre les groupes armés. C’est un effectif de 271 mille hommes armés sur le sol congolais. Qui peut croire que les deux bataillons rwandais, c’est-à-dire 1.500 soldats, serait plus efficaces que 271.000 soldats déjà en opération sur le sol congolais ? Par ailleurs, la dernière fois que l’armée rwandaise a été autorisée à intervenir sur le sol congolais, en janvier-mars 2009, dans le cadre de l’opération Umoja wetu, ce fut un fiasco. Très peu de combats entre armée rwandaise et rebelles hutu des FDLR, mais un afflux massif des militaires rwandais qui, versés dans les rangs des FARDC, déclencheront, trois ans plus tard, la guerre du M23.

Umoja wetu fut ainsi un piège, un jeu de dupes, où les Congolais s’étaient fait avoir par les dirigeants rwandais. Venus au Congo officiellement pour lutter contre les FDLR, les militaires rwandais avaient un agenda caché, celui d’occuper durablement le territoire congolais et d’y préparer une guerre visant la balkanisation du Congo.
L’ampleur des dégâts causés par la Guerre du M23 , consécutive à l’opération Umoja wetu, et les efforts nationaux et internationaux pour y mettre un terme, devraient suffire à proscrire tout déploiement des forces rwandaises sur le sol congolais, à jamais.

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