Un nouvel épisode vient de s’ouvrir dans le feuilleton « 15 millions USD » dont le personnage principal se trouverait être le directeur de cabinet du chef de l’Etat. Samedi dernier, Félix Tshisekedi a reçu dans ses bureaux l’inspecteur général – chef de service de l’Inspection générale des finances (IGF) à qui il a signifié qu’il se mettait à l’écart de cette affaire, laissant ainsi à la justice les mains libres pour établir les responsabilités.

Le Potentiel

Au pouvoir depuis le 24 janvier 2019, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi subit le premier tsunami de sa mandature. La suite en dépendra énormément, se dit-on déjà dans les milieux politiques spécialisés. Il s’agit bien évidemment de l’affaire, dite de « 15 millions Usd », qui pourrit la vie politique en République démocratique du Congo.

Tout remonte au mois de juillet 2019, lorsqu’une mission de contrôle menée par l’Inspection générale des finances (IGF) fait état de la disparition d’une somme d’environ 15 millions USD prélevés dans le secteur des pétroliers distributeurs. Dans son enquête, la mission établit les responsabilités, en citant des personnalités ayant de près ou de loin trempé dans cette affaire. Elle épingle à cet effet le directeur de cabinet du chef de l’Etat, Vital Kamerhe, le conseiller principal du chef de l’Etat au collège économique et financier, le ministre a.i. de l’Economie ainsi que le secrétaire général à l’Economie. Selon les enquêteurs, tous, à tel ou tel autre niveau, ont exercé une influence pour que les 15 millions USD se volatilisent dans la nature.

Dans la ville haute, ces révélations font grand bruit, dans la mesure où elles mettent en cause l’un des pions majeurs du régime Tshisekedi, à savoir Vital Kamerhe, son directeur de cabinet et grand artisan de sa victoire à la présidentielle du 30 décembre 2018.

L’affaire met en mal Félix Tshisekedi qui se trouve devant un dilemme. Doit-il se séparer de son compagnon de lutte ou interférer pour étouffer dans l’œuf les conclusions de cette enquête ?

Alors que le chef de l’Etat cherchait à gérer cette affaire, une convocation du patron de l’IGF aux bureaux du conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité va jeter de l’huile au feu. Devant la presse, le patron de l’IGF avouera recevoir depuis un temps des menaces de tous genres pour se taire. Qui veut donc étouffer cette affaire ? Suspense !

Désemparé, le patron de l’IGF va finalement saisir les services du procureur général de la République (PGR), exigeant à ce que la justice se saisisse de cette affaire pour en faire toute la lumière.

A la présidence de la République, la panique a gagné les rangs. Dans une interview à Jeune Afrique, Vital Kamerhe, présenté comme le cerveau de cette affaire, est sorti de ses gonds en présentant sa version des faits. Ce qui n’a apparemment convaincu personne. Loin de le disculper, ses déclarations vont l’enfoncer davantage.

Dès cet instant, tous craignaient que le chef de l’Etat s’interpose pour sauver « son directeur de cabinet ».

Le chef de l’Etat se met à l’écart

C’est ici que le nouvel épisode va s’ouvrir dans ce feuilleton dont les réseaux sociaux et autres médias font des choux gras. Samedi dernier, lorsqu’il reçoit le patron de l’IGF, Félix Tshisekedi crée la surprise. Il décide de se mettre à l’écart, promettant de laisser le champ libre à la justice pour faire éclore la vérité. C’est par une série de tweets de son porte-parole, Kasongo Mwema Yamba Yamba, que le chef de l’Etat dévoile enfin sa partition. Dans l’opinion publique, les commentaires vont dans tous les sens.

Le porte-parole Kasongo s’est voulu plutôt précis, soulignant la nette détermination du chef de l’Etat de protéger un haut fonctionnaire de l’Etat, en l’occurrence le patron de l’IGF, Victor Batubenga. « Soucieux de la sécurité d’un haut fonctionnaire de l’Etat, le chef de l’Etat l’a entendu, rassuré et encouragé », a écrit le porte-parole du président de la République.

Quant au silence de Félix Tshisekedi depuis la révélation de cette affaire de 15 millions, Kasongo Mwema justifie par le « souci » du président de la République de garantir « le respect du principe démocratique » étant donné que l’Inspection générale des finances a déjà transmis le dossier à la justice.

Dans l’interview à Jeune Afrique, Vital Kamerhe a tenté en vain de se dédouaner, renvoyant la balle au ministre de l’Economie, qui, selon lui, a ouvert cette ligne de crédit d’où se seraient volatilisés les 15 millions USD.

« …Mon nom n’apparait pas dans le rapport de l’IGF. Ensuite, il n’y a pas eu détournement. Ces 15 millions proviennent d’une ligne de crédit de 100 millions qui avait été ouverte par le ministère de l’Economie. Il s’agit d’une décote et c’est une opération régulière. D’ailleurs, lorsque l’IGF a porté plainte auprès de l’inspecteur général de la brigade contre les crimes économiques, celui-ci a classé le dossier (…). Cet argent n’a pas disparu et le ministre de l’Economie, qui a autorité sur le comité de suivi des prix pétroliers, pourra vous l’expliquer », arguait le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi.

Ce n’est pas l’avis de Georges Kapiamba, président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ). « Nous confirmons que les 15 millions de dollars américains ont été bel et bien détournés. Ils ont été prélevés sur le compte du comité de suivi des produits pétroliers en six prélèvements. Cet argent n’existe plus, contrairement à ce que nous avons lu dans Jeune Afrique », a dit à Actualite.cd le président de l’ACAJ. « Eu égard aux pièces bancaires, cet argent a été bel et bien détourné et dilapidé par des individus. Nous disposons des preuves probantes provenant de la Rawbank obtenues sur réquisition du procureur général près la Cour de cassation (…). Nous insistons pour que le Procureur général avance sur ce dossier et arrête les auteurs de ce fait », avait-il ajouté.

En se mettant de côté, le chef de l’Etat laisse à la justice le champ libre pour mener jusqu’au bout son enquête. Le plus évident est que 15 millions USD ont été frauduleusement soustraits du Trésor sur des fonds prélevés dans le secteur pétrolier. A la justice de faire son travail.

A tout prendre, cette affaire est un test grandeur nature de la détermination de Fatshi à lutter contre l’impunité. Sa crédibilité est en jeu.

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