Jeudi 3 septembre. Lubumbashi. Le lieutenant-colonel Christian Ngoy est arrêté par les forces de l’ordre et immédiatement transféré à Kinshasa. mobile de cette arrestation : détention illégale d’armes.


Cette arrestation n’a rien d’un banal fait divers. Christian Ngoy est un personnage central dans le dossier de l’assassinat de Floribert Chebeya, défenseur des droits de l’homme et président de l’ONG la Voix des sans voix, et de Fidèle Bazana, son assistant, le 2 juin 2010. Selon la version officielle, qui avait cours sous le régime de Kabila et jusqu’à la semaine dernière, le major Ngoy et toute la section qui l’accompagnait au moment de l’assassinat de Chebeya et de Bazana, est en fuite depuis de dix ans.

Un mensonge d’état

Un scénario qu’a toujours nié Paul Mwilambwe, condamné à mort pour le double assassinat. Le major Paul Mwilambwe, que La Libre a rencontré à la fin du mois de mai dernier en Belgique où il a introduit une demande d’asile, a toujours martelé qu’il s’était retrouvé involontairement sur les lieux des faits et que Christian Ngoy était le coupable de ce double crime. Mwilambwe poursuivait en expliquant que Ngoy et les autres membres de la section qui ont perpétré le meurtre avaient tous été exfiltrés sur Lubumbashi, au Katanga, où ils sont toujours tous actifs dans les rangs de la police et des forces de sécurité.

“La présence de Christian Ngoy à Lubumbashi a été dénoncé dès 2013, explique Paul Mwilambwe qui rappelle que son épouse, qui résidait dans cette même ville, a été victime “d’une tentative d‘assassinat le 5 juillet 2014. Christian Ngoy faisait partie des agresseurs”. Différentes photos de Christian Ngoy circulaient même sur les réseaux sociaux. On pouvait le voir en famille lors de la remise de son diplôme de droit à l’université de Lubumbashi. Pour un homme porté disparu, le major, devenu depuis lieutenant-colonel, était peu discret.
“Nous avons dénoncé à plusieurs reprises la présence de Christian Ngoy à Lubumbashi”, confirme Rostin Manketa, le successeur de Floribert Chebeya à la tête de la Voix des sans voix. “Mais jusqu’ici, rien n’y faisait. L’homme bénéficiait d’une impunité totale. Aujourd’hui, les choses ont changé. Christian Ngoy est derrière les barreaux et nous espérons que ce ne sera que le premier acte d’une pièce qui fera enfin éclater la vérité sur l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Cette arrestation est une belle prise mais les vrais gros poissons sont toujours en liberté. Il faut que Ngoy soit auditionné, il connaît les commanditaires. Il a bénéficié de leur protection jusqu’ici”, poursuit Rostin Manketa. “Et si ce coup d’accélérateur dans ce dossier est dû aux tensions de plus en plus vives entre l’ancien et l’actuel présidents, tant mieux pour nous. Nous, à la Voix des sans voix, on continue de dire que la vérité n’a jamais été dite. Il faut que le procès de ce double assassinat soit rouvert, que les vrais commanditaires soient transférés devant la justice”.

Massacre au Bas-Congo

En point de mire, le général Numbi, exécuteur des basses œuvres de la Kabilie. C’est son nom que l’on retrouve derrière le massacre des adeptes de la secte politico-religieuse de Bundu dia Kongo perpétré en 2007/2008. Floribert Chebeya avait enquêté sur ces faits. “Notre organisation avait mené une enquête minutieuse sur ces massacres. Nous avions obtenu de nombreuses informations qui démontraient l’implication d’un véritable commando de la mort commandité par des hauts responsables de l’État”, explique encore Rostin Manketa.

Emmanuel Adu Cole, le patron de la Fondation Bill Clinton pour la paix à Kinshasa, espère aussi que cette arrestation “fera tomber les masques”. “Cela fait trop longtemps qu’on attend que la vérité soit dite. Or, tout le monde connaît les vrais commanditaires. Le général Numbi est responsable de ce double crime mais c’est un militaire et il agit sur ordre de sa hiérarchie”, poursuit Emmanuel Adu Cole. “En tant que général, il faut remonter très haut pour trouver un supérieur”, enchaîne un autre responsable d’ONG préférant garder l’anonymat. Cette fois, c’est l’ombre de Kabila qui se dessine dans les propos de nos interlocuteurs.

Dans la guerre qui semble désormais les opposer frontalement, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila commencent à abattre leurs cartes maîtresses. Le clan Tshisekedi sait que le dossier Chebeya est “un atout majeur qui parle à la communauté internationale. Il s‘agit du meurtre d’un défenseur des droits de l’homme par des militaires sanguinaires, poursuit notre interlocuteur anonyme. Mais il faut que Christina Ngoy dise la vérité et qu’il ne s’enfuit pas ou qu’il ne se suicide pas dans sa cellule.” “Un nouveau procès est nécessaire mais je crains qu’il ne soit pas possible de l’organiser à Kinshasa”, continue M. Adu Cole. “Paul Mwilambwe est en Belgique, pourquoi ne pas organiser ce procès chez vous ?”

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