Condamné à l’issue d’une procédure judiciaire qui a vu les Congolais croire en un changement au sein de la Justice de leur pays, Vital Kamerhe se retrouve aujourd’hui dans une position qui somme chacun de nous à se ressaisir et à faire appel à notre humanité. — Éditorial de Litsani Choukran











Le 20 juin 2020 à Kinshasa, un juge a succombé à la clameur populaire, qui voulait l’échafaud pour les « voleurs » des 100 jours. Dans une procédure judiciaire expéditive, Vital Kamerhe était au centre de son Golgotha, cloué aux côtés de ses deux autres larrons, Jeannot Muhima et Jammal Samih. Coupables ! Étaient-ils tous certes. Par imprudence, omission, ou même politiquement. Ils n’auraient pu échapper. Tant, les éléments en présence, le contexte et même les étoiles s’étaient tous alignés contre eux.

Aussi, ils auraient volé de l’argent. Cinquante-sept millions de dollars américains, dans un pays où plus de la moitié de la population vit avec un dollar par jour. Alors qui diable pourrait-il les défendre ? Le Fondé ayant suffisamment crié et prouvé la culpabilité, mais également le cynisme des prévenus, y compris ceux des commanditaires du procès. Car si beaucoup ont cru en la justice, les plus avertis au Congo ont rapidement su que nous étions bel et bien face un règlement de OK Corral. Les uns réglant leurs comptes à d’autres, qui auraient eu la mauvaise idée de se placer dans une position de culpabilité.

Au 20 novembre 2020, Vital Kamerhe a fait 5 mois en prison. Mais l’eau a également coulé sous le pont. Certes, sans réellement rouvrir ce procès et dédouaner les condamner. Mais le côté politique n’a-t-il pas réellement fait surface. Avec des têtes bien faites qui ont échappé miraculeusement au jugement. Aujourd’hui, l’alliance au pouvoir a rencontré son mur et a surtout prouvé sa nature à faire mimer la justice de ce pays, tel une marionnette que l’on animerait dans un cirque. Ommar Chutoo de Vodacom, ou encore Patient Sayiba de l’OGEFREM pourront témoigner. Qui pourrait alors croire aux indépendances des institutions de ce pays, au regard des spectacles offerts actuellement au public congolais, agonisant pourtant du marasme économique dont est victime ce pays, depuis des décennies.

Vital Kamerhe n’a pas tenu. Dans une prison conçue par le chaos, surpeuplée et en délabrement, tel le Congo même, l’ancien tout-puissant « Direcab » est tombé malade, à l’image d’opposants politiques que Joseph Kabila entassait entre ces quatre murs du mouroir congolais. Hospitalisé, il doit respirer à l’aide d’appareils.  Mais l’homme que nous avons broyé au Golgotha du procès de 100 jours ne pourrait émouvoir au Congo. Sans doute, il nous a rendu furieux, jaloux et même indifférents. Comment défendre ou pleurer un homme qui a tant été impérieux, à la limite de l’arrogance !


Cependant, que vaut la vie d’un homme ? Le législateur n’a-t-il pas été assez inspiré, au point de classer toutes les affaires d’argent dans un procès dit « civil » ? Car s’il faut tout laisser, le jour où chacun quittera cette terre, l’or, les pièces de monnaie et les avoirs n’auraient alors plus aucun sens. Mais au lieu de consacrer le vol et le détournement, ils sont punis ! Sévèrement. Et nul ne saurait alors se prévaloir de sa propre turpitude. Certes, 20 ans de prison ont été infligés à Vital Kamerhe. Mais la loi veut qu’il ait une seconde chance de s’expliquer, à travers un procès en appel. Et celui-ci, qui traîne à commencer, laisse déjà s’échapper une certaine vérité sur cette affaire contestable. Néanmoins, au risque d’attendre et de juger plus tard un cadavre, ne serait-il pas plus judicieux de revenir à la raison ?

Oui ! Ni absolution, ni privilège, encore moins l’idée de se soustraire à la justice. Du bon sens plutôt. De l’humanité.  Et faire face à notre propre réalité. Ayant construit nous-mêmes un chaos incapable de soigner même ses prisonniers, il serait alors courageux d’accepter le fait que la vie d’un homme vaut bien plus que tous les conflits du monde. Y compris, parfois, la justice.  Car, dans le fond, Vital Kamerhe n’a pas été condamné à mort. Depuis que le monde est monde, nul n’a jamais valu son propre poids en or. Alors, ne laissons pas une fois de plus l’argent prendre une vie.

Pour l’État de droit, tout en s’attachant à l’idéal d’un réveil de la justice congolaise que nous avons tous soutenu, tachons de défendre aujourd’hui l’humanisme qui se cache derrière chaque punition de justice. D’autant plus que dans ce procès où Vital Kamerhe a été condamné, il aurait encore une quête de vérité à mener. Envoyons cet enfant du Congo aux soins appropriés, le temps de poursuivre, plus tard, notre quête autour de cette affaire.

Litsani Choukran,
Le Fondé.

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