Entre le Front commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le changement (CACH), c’est le duel au couteau. Les nominations du 17 juillet 2020 dans l’armée et la magistrature ont allongé les fissures d’une coalition minée par une série de contradictions. En engageant un passage en force pour asseoir les trois nouveaux juges constitutionnels, le chef de l’Etat a poussé enfin le FCC à sortir de l’ombre.

L’affrontement est déclenché. Entre le Président de la République, plus que jamais déterminé à jouir pleinement de son impérium, et le FCC qui craint de perdre tous les avantages acquis en 18 ans de règne de son autorité morale, Joseph Kabila, c’est désormais une question de vie ou de mort. Au centre des enjeux se trouvent le contrôle de la Céni et de la Cour constitutionnelle.

Au terme des élections de décembre 2018, le FCC a perdu la présidentielle, tout en consolidant son emprise dans les deux chambres du Parlement et dans différentes assemblées provinciales. C’est en déployant une redoutable machine politique que le FCC est arrivé à équilibrer tant bien que mal le jeu politique. Largement majoritaire au Parlement, le FCC pouvait ainsi tenir le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, en laisse et le recadrer chaque fois que ses intérêts étaient mis en ballottage défavorable.

Avec le temps, le Président a commencé à s’agacer de l’omniprésence d’un partenaire à la fois encombrant et exigeant. Le 23 octobre 2020, Félix Tshisekedi a enfin décidé de prendre ses distances et s’imposer en même temps comme le seul et unique Président de la République.

En réalité, tout est parti des ordonnances controversées du 17 juillet 2020 aux termes desquelles le chef de l’Etat avait procédé à un remue-ménage au sein de l’armée et de la magistrature. Si le FCC a concédé – malgré lui – les nominations dans l’armée, celles entreprises au sein de la magistrature ont eu un goût amer. En nommant trois juges à la Cour constitutionnelle, le FCC a estimé que le Président de la République a franchi la ligne rouge. Bien avant, on se rappelle que le Président de la République s’est plié à la pression population en s’interposant dans la procédure d’entérinement de nouveaux dirigeants de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), principalement au poste de président.

Pour la famille politique FCC, il y avait un grand danger. Aussi, a-t-elle mis en état d’alerte maximal toutes ses troupes pour contrer le chef de l’Etat. Dans sa stratégie, le FCC mise sur deux cibles majeures, à savoir la Céni et la Cour constitutionnelle.

Mercredi, devant les députés et sénateurs du PPRD, principale force politique du FCC, Emmanuel Ramazabi Shadary, son secrétaire général, n’a pas caché ses inquiétudes. A voix audible, il a fait comprendre que, dans l’architecture électorale de la RDC, celui qui a le contrôle de la Céni et de la Cour constitutionnelle a la certitude de gagner les élections. Ce qui explique cela.

La nouvelle bataille

Si le président Félix Tshisekedi a décidé de ne plus être cet enfant docile au service des caprices de son allié, ce que l’enjeu en vaut la peine. Que le FCC qui a accepté 127 ordonnances signées par le président Tshisekedi, n’en contesté qu’une seule et tenir mordicus à Ronsard Malonda à la tête de la Commission électorale nationale indépendante signifie qu’il y a un intérêt évident.

La Céni et la Cour constitutionnelle ont mis à rude épreuve le mariage contre nature de ces deux alliés qui se sont toujours détestés. Le 24 janvier 2019, Joseph Kabila et les siens ont cru avoir trouvé en Félix Tshisekedi ce pantin qui acceptera volontiers de se livrer au jeu d’un patin qui est manipulé par un maître.

De son côté,  Félix Tshisekedi se disait que c’était le moment de faire oublier ce système qui est spécialisé dans la prédation des droits humains et des deniers publics. Usant de la malice, pendant près de deux ans, ces différences ont été contenues, gérées et acceptées par les uns et les autres. Mais, tout ce qui était toléré ne représentait pas un intérêt majeur.

Les deux camps attendaient voir les agendas cachés. Curieusement, il est apparu au grand jour que le FCC tenait à rester le seul maître à bord du navire RDC. De la manière la plus limpide, un audio de Lambert Mende a circulé, créant l’émoi au sein de la communauté nationale. Pour lui, la Cour Constitutionnelle doit demeurer sous le contrôle de l’autorité morale qui doit continuer de placer les acteurs institutionnels à son service. Or, son allié de CACH ne l’entendait pas de cette oreille parce que pour eux, il faut déboulonner le système Kabila.

Guerre des tranchées

La résistance ne pouvait attendre. Elle a été immédiate. Disposant d’une majorité au Parlement, le FCC a opposé une résistance farouche, indiquant être prêt au divorce. Pour le FCC, le contrôle de la Cour Constitutionnelle et de la Céni est une question de vie ou de mort. Les animateurs de cette plate-forme politique sont conscients qu’une compétition électorale loyale sera fatale pour eux parce que tout sera mis à nue.

L’UDPS, qui a un passé historique dans la lutte, tient plutôt à remettre sur les rails l’Etat congolais. Plus d’élections truquées, plus de justice rendue à la tête du client,  plus de détournement de fonds de l’Etat,...

Cet idéal n’est facile à atteindre dans un environnement où des esprits ont été habitués à des pratiques répréhensibles. Si le président Tshisekedi ne réussit pas dans son projet de « déboulonner le système Kabila », son sort et celui de son parti seront à jamais scellés.

Entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, c’est une guerre des tranchées. Alors que le chef de l’Etat procède aux derniers réglages avant de lancer ses consultations, Kabila a pris le devant en battant le rappel des troupes. Après la rencontre, lundi dernier, avec les chefs des regroupements et personnalités membres du FCC, Kabila a convié vendredi les députés et sénateurs à un réarmement moral dans sa ferme de Kingakati, située dans la périphérie Est de Kinshasa.

Assiste-t-on à la fin de la coalition au pouvoir ? Dans les deux camps, personne n’est encore prêt à franchir ce Rubicon. On s’observe. Le plus important est que Tshisekedi s’est déjà lancé dans la bataille depuis son message du 23 octobre.

A tout prendre, politiquement l’un doit sportivement disparaître ou être contraint de disparaître – pour que le pays avance.


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