Au troisième jour de l'interdiction faite à la population de sortir de chez elle, des voix s'élèvent pour une évaluation sérieuse de la mesure gouvernementale.

Un spectacle de plus désolant a été observé le soir du vendredi 19 décembre à Kinshasa, au premier jour de l'entrée en vigueur du couvre-feu décrété par les autorités du pays, sur l'ensemble du territoire national. A Tshangu, dans la partie Est de Kinshasa, une foule sans nombre, scandant des slogans anti pouvoir en pleine marche, a été observée sur le boulevard Lumbumba. La procession était partie du Marché central vers les communes très peuplées de ce coin de la vaste capitale congolaise. Les vidéos existent.

Le même décor a été observé sur le boulevard colonel Mondjiba où des milliers de piétons, la peur dans le ventre, accourraient pour atteindre leurs milieux d'habitation avant 21 heures, heure du début du couvre-feu. Ici aussi, les images ont très largement été partagées sur les réseaux sociaux. Sur cette vidéo, la caravane piétonne très en colère, n'avait pas ménagé les dirigeants du pays. Particulièrement, le Président de la république Félix Tshisekedi, que les Kinois considèrent comme l'initiateur de cette décision qui a crée une vive polémique dès son annonce dans l'opinion.

Au regard de ces deux scènes populaires de mauvais augure, de nombreux observateurs estiment que la nécessité de repousser l'heure du couvre-feu s'impose dans les grandes villes du pays. Principalement à Kinshasa où la situation sociale parait plus spécifique que celle d'autres agglos du pays. Il s'agit en premier lieu du transport en commun qui demeure un véritable casse-tête pour tous les Kinois, qu'ils soient véhiculés ou pas.

Secret de polichinelle, les difficultés de mobilité des personnes dans la capitale congolaise se posent avec acuité. En plus de la rareté de moyens de transport en commun à des heures de forte affluence, les Kinois affrontent au quotidien des bouchons qui durent parfois plusieurs heures. A cause de ces embouteillages, de nombreux transporteurs en commun se voient obligés de changer de lignes, en attendant que la circulation ne redevienne fluide à des heures creuses d'après-midi et de nuit.

A l'Est de la ville, cette situation fait que des milliers de personnes en partance des communes de Kimbanseke, Masina et N'D'jili, parcourent plusieurs kilomètres jusqu'au quartier Debonhomme de la commune de Matete. C'est donc là, le nouveau terminus de fait, pour les "mal-aimés" taxi-bus de marque Mercedes 207 qui assurent à près de 80%, le transport en commun à Kinshasa.

Certes, cette partie de la capitale congolaise est tristement réputée à cause des embouteillages qu'on y observe à des heures de pointe, soit de la matinée, soit du début de soirée. Cependant, les différents chantiers de construction de saut-de-mouton, ouverts depuis près de deux ans, on empiré la situation. Voilà pourquoi, à partir de 15 heures, plusieurs automobilistes n'entendent pas prendre les risques de desservir ce coin de la ville. Ceux qui le peuvent encore, jouent sur la prudence de s'arrêter à Debonomme. Moralité, les passagers embarqués à la place Victoire, au Grand Marché ou à Gambela, sont obligés malgré eux, de parcourir le reste du trajet à pieds.

PLUS D'UN MENAGE SE NOURRIT LA NUIT

Aux difficultés de transport en commun s'ajoute un autre aspect, non des moindres, de la situation sociale des Kinois. A savoir, le manger. Sans caricaturer les faits, plus d'un ménage kinois doit sa survie à l'informel. Ainsi, au quotidien, des centaines de chefs de ménages se déploient à travers la ville pour chercher de quoi nourrir leurs familles le soir. Devant cet impératif de survie, la femme fruitière ou vendeuse de légumes, de farine de maïs ou de manioc, de vivres frais….reste, malgré elle, jusque tard au petit marché, espérant vendre plus pour nourrir son foyer. Parfois même après 20 heures, pour celles qui ont eu la chance de rentrer tôt.

Par ailleurs, d'autres petits commerçants détaillants préfèrent commencer le marché à partir de 16 heures, pour emballer après 21 heures. Voire parfois après 22 heures. Toujours à Tshangu, cette catégorie de vendeurs envahit les abords du boulevard Lumbumba, à partir de Debonhomme, jusque peu après le marché de la Liberté. Il s'agit-là, d'une réalité connue, on le suppose, par toutes les autorités du pays mais qui, paradoxalement, demandent à cette même population de rester chez elle à partir de 21 heures.

Tenant compte de cette situation sociale réelle de la majorité silencieuse, plusieurs observateurs, loin de s'opposer aux nouvelles mesures contre la deuxième vague de Covid-19, prises par les dirigeants du pays, invitent néanmoins ces derniers à regarder la réalité en face. Au troisième jour du couvre-feu hier à Kinshasa, l'évaluation de cette décision est plus qu'un impératif. Car une décision fut-elle salutaire, prise à contre-courant des réalités sociales, pourrait s'avérer porteuse des germes d'une tension que l'on pouvait pourtant éviter en amont.
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