Dans un revirement spectaculaire, l’ancien Président Joseph Kabila est sur le point de perdre définitivement le pouvoir en République Démocratique du Congo (RDC). Son successeur, et désormais ex-allié, Félix Tshisekedi, a coalisé avec des anciens opposants pour former une nouvelle majorité. À l’Assemblée Nationale, l’installation du nouveau bureau pourrait alors sceller définitivement le sort de l’homme qui a regné durant 18 ans à la tête de cet immense pays au cœur de l’Afrique.

Rien ne dure jamais dans la vie. Deux ans après son départ de la présidence, Joseph Kabila Kabange avait pris toutefois le soin de conserver une grande parcelle de pouvoir en RDC. L’ancien président avait coalisé avec son successeur, Félix Tshisekedi, tout en s’offrant des verrous. Le plus solide était, de l’avis de certains, sa majorité écrasante au Parlement congolais. Dans un régime semi-présidentiel, un président en fonction n’avait que très peu de marge, alors que l’Assemblée Nationale et le Sénat était dominés d’une manière écrasante par la plateforme du Front Commun pour le Congo (FCC), de Joseph Kabila. Mais, deux ans après, un tourbillon est passé par là.

La fidélité politique en RDC a la même durée de vie qu’un éphéméride. Alors que les tensions grandissaient au cœur de cette alliance Kabila-Tshisekedi, quelques jours ont suffi pour changer les choses. A l’Assemblée Nationale, à l’issue d’une plénière épique, le FCC vote spectaculairement pour l’éviction de son bureau. Mais ce FCC n’est plus celui de Joseph Kabila. Il s’est transformé en « Union Sacrée », répondant à l’appel de Félix Tshisekedi, qui a annoncé la fin de son alliance avec Joseph Kabila, déclarant ainsi son indépendance. Une guerre était donc lancée. Du côté de Kabila, l’heure était à l’introspection. Car, comment expliquer une telle fronde de plus de 150 députés qui ont rejoint spéctaculairement Félix Tshisekedi ?

Mais l’actuel président, ancien opposant, ne laisse pas de repis aux Kabilistes. Après quelques jours d’accalmie, il procède, comme promis, à la nomination d’un informateur. Tant pis si la loi est écorchée. Modeste Bahati, l’heureux élu, dinait encore à la table de Kabila en 2019, peu avant l’élection d’Alexis Thambwe Mwamba à la tête du Sénat. Sans doute que Tshisekedi a compris le fonctionnement de cette classe politique où les convictions disparaissent lorsqu’un poste se libère, il a récupéré l’ancien ministre de l’Economie au sein de son union des sacrés. Le professeur Bahati a la mission d’indentifier une nouvelle majorité. En d’autres termes, la chute du bureau de l’Assemblée Nationale, bien que symbolique, n’avait pas vraiment scellé la fin de la majorité du FCC. Car, entre-temps, le Premier Ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, caporal farouche de Kabila, refuse de démissionner et laisser la voie aux Tshisekedistes pour la composition de leur gouvernement de large union. Dès lors, la bataille finale se jouera donc à l’Assemblée Nationale.

Le mardi 5 janvier, le Bureau d’âge, bureau provisoire de l’Assemblée Nationale, convoque une plénière extraordinaire. Mais celle-ci commence en eaux de boutin. Cris, vocifération et même coups de poing pleuvent dans la salle. Mais cette fois, le parti de Tshisekedi, habitué à jouer le trouble-fête, n’est pas à l’initiative. “Le FCC entame l’apprentissage de l’opposition en tentant d’empêcher la lecture de la décision portant convocation de la session extraordinaire”, ricane  le député national Claudel Lubaya, qui tweete. En somme, les derniers fidèles députés de Joseph Kabila se battent pour faire supprimer un point de l’ordre du jour. A savoir : « le contrôle parlementaire ».

Autrement dit, ce Bureau d’âge, qui n’aurait la mission que de faire élire un nouveau bureau définitif, prévoit visiblement de traiter une motion de défiance déposée par les députés de Tshisekedi contre le Premier Ministre Kabiliste, Sylvestre Ilunga Ilunkamba.  Et si le FCC en vient aux mains, c’est que le week-end dernier, il a mordu la poussière en tentant d’organiser une messe de concurrence des députés autour de son Premier Ministre, face à celle de Tshisekedi, organisée au même moment à la Cité de l’Union Africaine. La rencontre des Kabilistes a fait flop. De l’autre côté, celle des Tshisekedistes auraient réuni 309 députés. Une majorité absolue qui enverrait définitivement Joseph Kabila et ses derniers fidèles loin du pouvoir.

Comme depuis le début de cette guerre, les Tshisekedistes réussiront à imposer leur volonté, bien souvent, loin du respect des lois. Mais qu’importe. Aujourd’hui, plus que jamais, Joseph Kabila est à la porte du pouvoir. Après 18 ans et deux ans de cohabitation, l’ancien maître de Kinshasa est sur le point de voir sa majorité définitivement basculer avec les deux prochains votes bagarreurs à l’Assemblée Nationale : d’abord celui du nouveau Bureau, ensuite celui de la motion contre le Premier Ministre. À l’Union Sacrée, on estime que les jeux sont déjà faits. Le jeune député Patrick Muyaya estime même que cette destitution de Syvestre Ilunga « est devenue à ce jour inévitable ».   « Il suffit juste de relire les derniers discours du Président de la République et ce qu’il dit du Gouvernement. La confiance est à ce jour rompue et de mon point de vue, ceci constitue déjà un motif de démission pour le Premier Ministre dans un contexte républicain. Mais il me semble que ce concept n’est pas très en vogue chez nous. Et dans cette hypothèse, la déchéance devient inévitable, donc possible. Et d’ailleurs c’est la seule alternative à une résistance à la démission », dit-il à POLITICO.CD.

Du côté du FCC, alors que Joseph Kabila s’est retranché dans la région du Katanga, au sud-ouest du pays, autour de ses cadres, à la recherche d’une contre-offensive, beaucoup à Kinshasa estiment que le redoutable adversaire politique de Félix Tshisekedi n’a pas encore dit son dernier mot. Va-t-il tenter de reprendre la maison à travers cette session extraordinaire qui commence ou, finalement, continuer à subir comme il le fait depuis le début ?

Claudel Lubaya reste prudent concernant une éventuelle fin de l’ère Kabila. Si pour les uns le ralliement en cascade qui s’observe à l’Union sacrée charrie avec lui l’enterrement du pouvoir Kabila, pour Claudel “c’est encore tôt, même très tôt, de prétendre, à ce stade, que le pouvoir de Kabila soit définitivement défait”.

“A mon humble avis, il est encore tôt, même très tôt, de prétendre, à ce stade, que le pouvoir de Kabila soit définitivement défait, dès lors qu’au sein des institutions tant au Sénat, à l’Assemblée Nationale, au Gouvernement, dans la territoriale, la Diplomatie et dans l’appareil militaro- sécuritaire y compris le porte-feuille de l’État, il y en a encore qui se réclament de JKK et qui croient en lui. Il est plutôt affaibli et peut, à tout moment, se reconstituer. L’euphorie de la déchéance du bureau de l’Assemblée Nationale ne doit pas nous faire perdre de vue cette évidence sinon, nous risquons d’être surpris. Il y a encore du travail à faire pour dekabiliser le pays”, confie à POLITICO.CD, Claudel Lubaya.

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