1,36milliard$ déjà perdu.
L’homme d’affaires israélien, qui tire profit de ses relations étroites avec Joseph Kabila pour faire office d’intermédiaire sur les plus gros contrats miniers du pays, est dans la ligne de mire de nombreuses ONG anti-corruption. En 2013, la fondation Africa Progress Panel de l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan avait publié un rapport dévoilant pour la première fois les montants astronomiques dont a été privée la RDC en faisant affaire avec les sociétés offshores de Dan Gertler. Le document révélait que les accords portant sur cinq concessions de cuivre et de cobalt avaient privé la RDC de 1,36 milliard de dollars.
Soussanctionsaméricaines
En 2016, Dan Gertler était cité dans les « Panama Papers » pour corruption, et en 2017, les Etats-Unis avaient placé l’homme d’affaires sous sanctions du Trésor américain. Des sanctions allégées par Donald Trump quelques jours avant la fin de son mandat, mais rétablies par l’administration Biden en mars 2021. Depuis, le milliardaire a toujours formellement nié les allégations de corruption. En novembre 2020, le milliardaire avait mené une campagne de communication appelée « YaBiso », proposant aux Congolais de partager une partie des royalties de ses mines de cuivre et de cobalt. Une initiative fustigée par la coalition anti-corruption CNPAV, dénonçant « une tentative de flouer la population ».
Renégocierlescontratsminiers
Alors que la RDC plafonne à la 175ème sur 189 sur l’indice de développement humain de l’ONU et que plus de 70% de sa population vit avec moins de 2 $ par jour, le président Tshisekedi cherche des marges de manoeuvre pour relancer une économie nationale à l’agonie. En visite dans les provinces minières du sud-est du Congo cette semaine, le chef de l’Etat a affirmé sa volonté de renégocier les contrats miniers. « Il n’est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que nos populations demeurent pauvres » a déclaré Félix Tshisekedi dans la ville minière de Kolwezi.
Reprendrelecontrôledel’économie
Le message vers les intermédiaires miniers, comme Dan Gertler, est à peine voilé. « C’est aussi notre faute, a expliqué le président congolais. Certains de nos compatriotes avaient mal négocié les contrats miniers. Pire, le peu qui revient à l’État, ils l’ont mis dans leurs propres poches ». Reste à savoir si ses déclarations de bonnes intentions seront suivies d’effets. En pleine reconquête du pouvoir, largement dominé jusque-là par l’ex-président Kabila, Félix Tshisekedi s’attaque aux acteurs économiques. Après avoir repris la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, grâce à sa nouvelle coalition gouvernementale, le chef de l’Etat voudrait maintenant contrôler les secteurs économiques stratégiques, dominés par des proches de Joseph Kabila.
« Leprésidentn’apasd’alternative »
La nouvelle enquête du CNPAV tente de démontrer que « les pertes subies par la RDC n’ont fait qu’augmenter au cours des dernières années ». Et surtout, l’argent de ces revenus miniers, « aurait pu être utilisé pour construire des écoles, payer les enseignants, fournir des soins de santé de base ou goudronner de nouvelles routes. Au lieu de cela, cet argent remplit les poches d’un seul individu » dénonce Jean-Claude Mputu, le porte-parole de la coalition « Le Congo n’est pas à vendre ». Et de lancer un avertissement au chef de l’Etat : « Le président Tshisekedi n’a pas d’alternative : il doit immédiatement prendre ses responsabilités et diligenter une enquête méticuleuse et crédible sur tous les contrats miniers impliquant Dan Gertler ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia