La récente prise des villes de Goma et de Bukavu par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par le Rwanda, marque un tournant dramatique dans le conflit armé qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis plusieurs décennies. Alors que l’insécurité atteint un niveau alarmant, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), présente depuis 26 ans, est vivement critiquée pour son incapacité à protéger les civils et à stabiliser la région.

Thierry Vircoulon, chercheur spécialiste des conflits africains et auteur d’une étude récente sur la Monusco, analyse les raisons de son inefficacité, son absence face à la résurgence du M23 et les conséquences de cette crise sur la sécurité des populations locales.


Une mission officielle inutile, mais d’autres fonctions remplies


Selon Vircoulon, la Monusco est paradoxalement inutile dans ses missions officielles, mais utile pour d’autres fonctions. « Depuis 26 ans, la violence contre les civils est continue dans l’Est congolais, où l’on compte 7 millions de déplacés. L’État congolais reste à la fois fragile et prédateur, et la réforme du secteur de la sécurité se fait toujours attendre », explique-t-il.

Cependant, la Monusco remplit d’autres rôles. Elle offre un alibi moral aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, qui veulent éviter de répéter l’erreur du retrait des casques bleus pendant le génocide rwandais de 1994.


Pour les autorités congolaises, elle sert de bouc émissaire, leur permettant de détourner le mécontentement des populations. Enfin, sur le plan économique, la Monusco est un acteur important grâce aux retombées financières de sa présence (salaires, loyers, importations, etc.).


L’absence de la Monusco face à la résurgence du M23


Contrairement à la période 2012-2013, où la Monusco avait joué un rôle clé dans la répression du M23, elle est restée en retrait depuis la résurgence du conflit en 2022. Vircoulon explique cette absence par la délégation des rôles de médiation et d’interposition à des acteurs africains. « L’ONU a confié la médiation aux présidents du Kenya et de l’Angola, et le ‘containment’ du M23 à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) puis à la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) », précise-t-il.


Cette stratégie, basée sur l’idée que les conflits africains doivent être réglés par les Africains, a échoué. Le double processus de médiation a été inefficace, et les forces de la SADC ont été débordées par le M23. L’ONU se retrouve désormais face à un dilemme : justifier le départ des casques bleus alors que la situation sécuritaire se détériore, ou justifier leur présence alors qu’ils sont perçus comme de simples spectateurs.


Les conséquences sur la sécurité des populations


L’inefficacité de la Monusco a eu des conséquences désastreuses pour les populations civiles. En 26 ans, plusieurs massacres ont eu lieu dans les zones de déploiement de l’ONU, sans que la Monusco ne reconnaisse ses échecs, sauf à de rares occasions. Le massacre de Mutarule en 2014 et la prise de Goma en janvier 2025, qui a fait environ 3 000 morts, illustrent cette incapacité à protéger les civils.


Ce manque de résultats a conduit à un discrédit populaire massif. Selon un sondage de 2022, 44 % des Congolais souhaitaient le départ immédiat de la Monusco, et ce chiffre atteignait 67 % au Nord-Kivu. Ce sentiment anti-Monusco a été exploité par les gouvernements congolais et attisé par des campagnes sur les réseaux sociaux, plongeant la mission dans une crise de légitimité irrémédiable.


La fin du maintien de la paix ?


Pour Vircoulon, l’échec de la Monusco s’inscrit dans un contexte plus large de déclin des missions de maintien de la paix de l’ONU. « On est en train de vivre la fin du maintien de la paix, et peut-être même la fin de l’ONU », affirme-t-il. Plusieurs missions ont été fermées dans des pays encore en guerre, comme au Soudan (Minuad en 2021) et au Mali (Minusma en 2023), et le retrait de la Monusco a commencé en 2024.


En Afrique, la solution consiste à remplacer les casques bleus par les forces des organisations régionales, comme l’Union africaine (UA) ou la SADC. Cependant, ces organisations manquent de capacités et de financements. Bien que la résolution 2719 du Conseil de sécurité permette de financer les missions africaines par le budget de l’ONU, certains membres y sont réticents, craignant des missions sans fin.


Quelles options pour l’avenir ?


Selon Vircoulon, il n’existe pas d’autres acteurs capables d’assumer efficacement les missions de médiation et d’interposition dans des contextes de guerre. Cependant, une meilleure coordination entre l’ONU, l’UA et les organisations régionales est essentielle. « La Monusco et la force de la SADC dans l’Est du Congo n’ont pas travaillé ensemble, mais plutôt côte à côte. La rivalité et la méfiance doivent céder la place à la coordination et à la complémentarité », conclut-il.


Alors que la crise dans l’Est de la RDC s’aggrave, la communauté internationale doit tirer les leçons des échecs passés et repenser son approche pour éviter une catastrophe humanitaire et sécuritaire encore plus grande.

Restez informés pour suivre les développements de cette crise complexe et ses implications régionales.

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