COMME PENDANT LA TRANSITION SOUS MOBUTU GARE À LA BOMBE SOCIALE !
* Si aucune mesure n’est prise en termes de réplique positive à la misère ambiante, ce front pourrait s’avérer plus redoutable que le combat politique.
L’histoire bégaierait-elle en RD Congo ? Poser la question, c’est y répondre. Deux décennies après la chute de Mobutu, que peuvent encore retenir les Zaïrois d’hier et Congolais d’aujourd’hui ? A priori, beaucoup de choses à la fois. Mais la plus importante est la similitude que présentent la situation politique actuelle et celle de la longue transition des années Maréchal-Président. L’histoire rappelle que le "Roi" du Zaïre avait bénéficié du soutien de puissances occidentales incarnées par la fameuse troïka composée des Etats-Unis, de la France et de la Belgique. Avec la fin de la Guerre froide, patatras ! Mobutu Sese Seko n’est plus l’homme de la situation. Ses parrains n’en veulent plus. Ils appuient l’Opposition. Des opposants timbrés « Union Sacrée », multipliant des tournées dans des capitales européennes, demandant à ces dernières de ne plus apporter leur assistance au pouvoir de Kinshasa. Ce n’est pas tout. Dans le même registre, l’Eglise catholique romaine - la même - n’avait pas caché son antipathie vis-à-vis du régime de l’Aigle de Kawele.
Vingt ans après, l’histoire semble se répéter. Le même Occident qui, au départ, avait adoubé Joseph Kabila se retrouve présentement en guerre contre lui. Entretemps, l’Opposition elle, va à l’assaut de l’Occident pour demander des sanctions contre le régime de Kinshasa. Mutatis mutandis, la même Eglise catholique, très opposée au Pouvoir de Mobutu, l’est encore aujourd’hui contre le pouvoir de Joseph Kabila. Le tout, sur fond de la détérioration spectaculaire des conditions sociales. Et la crainte, c’est que si le front social n’est pas bien négocié dans le sens d’y apporter des réponses positives, tout l’ensemble risque de donner lieu à un cocktail Molotov. Mieux, une situation explosive.
Tout le problème, c’est qu’en RD Congo, on a coutume de plus circonscrire les débats autour des querelles entre le Pouvoir et l’Opposition. Alors qu’il existe une contradiction, mieux un vrai danger. Mais dont on ne parle que trop peu. Sinon de manière aléatoire et même occasionnelle. A savoir le front social. C’est donc ce front redoutable qui sera nourri de la détérioration continue des conditions de vie des millions de Congolais. On n’a pas besoin d’être expert en économie pour le constater. La vie en RD Congo se réduit en un véritable challenge. Mieux, une sorte d’athlétisme à toute épreuve, auquel se livrent quotidiennement des responsables de familles. L’essentiel étant la survie des ménages !
La situation s’est davantage dégradée depuis près d’un semestre. Le taux d’inflation a franchi le seuil du tolérable. La dépréciation continue de la monnaie locale face au dollar américain, fait désormais partie du lot quotidien du petit peuple. Le roi dollar, monnaie de référence dans les transactions locales, poursuit son envol. Dès lors que le cambisme s’est érigé en banques en plein air, des commerçants de la monnaie imposent leurs règles du jeu. A chaque cambiste, son taux de change préférentiel. Bienvenue la spéculation !
Tout le problème, cependant, c’est que les conditions salariales demeurent statiques. Rien ne bouge. Quand bien même l’Etat congolais se verrait incapable de procéder à l’augmentation de la rémunération de son fonctionnaire, plus d’un analyste estime néanmoins, qu’il serait plus réaliste, pour l’Etat, de calculer la rémunération de ses agents et fonctionnaires, sur base du taux réel. Celui de 1400Fc le dollar. Ce qui n’est malheureusement pas le cas. Car, le fonctionnaire continue à percevoir son maigre salaire calculé au taux budgétaire calé à 93.000Fc le dollar. Ainsi, un fonctionnaire qui percevait 93.000Fc, équivalent à 100$ Us comme salaire mensuel, se retrouve à ce jour, avec quelque 70$. Il aura ainsi perdu environ 30% de son revenu mensuel déjà insuffisant. Conséquence immédiate, le faible pouvoir d’achat du fonctionnaire et de l’agent de l’Etat, se trouve dorénavant happé par la situation réelle sur le marché des biens et des services.
Tout le problème se trouve donc là. Face à la situation politique actuelle, Il est sans doute bon de mettre l’emphase sur des actions politiques tant en interne que sur le plan extérieur. Mais il faudrait beaucoup plus des palliatifs à la pauvreté ambiante dans le Congo profond. C’est bien d’enseigner le civisme politique, le patriotisme. Bref, la citoyenneté à la population. Mais le mieux serait aussi que cette même population trouve des réponses à sa misère. Dès lors que la dépréciation de la monnaie locale n’a pas encore fini de laminer même le peu que le fonctionnaire et l’agent de l’Etat continue à percevoir jusqu’à ce jour, l’urgence des urgences maintenant reste la réplique, la bonne réplique à la situation implosive actuelle. A savoir la détérioration des conditions de vie des Congolais. Car, ce que l’on redoute sur le front politique, pourrait venir du front social.
INSTABILITE POLITIQUE
Métaphoriquement, la dégradation des conditions de vie de la population ressemble quelque peu au malheur d’un naufragé. Tous ceux qui sont à la berge s’apitoient. Mais personne ne veut prendre le risque de se jeter à l’eau pour le sauver. Moralité, la victime avale la dernière quantité d’eau et fait ses adieux ! Les riverains comprendraient facilement cette scène mieux que quiconque. Devant la situation actuelle, la question qui se pose est de savoir jusques à quand, cette population continuera son chemin de la croix.
Reçu un certain lundi par le Président Joseph Kabila, le tout nouveau Premier ministre, Bruno Tshibala avait formulé un vœu. S’adressant en son temps, aussi bien aux cadres qu’aux combattants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Tshibala a promis de rester fidèle aux valeurs fondatrices de leur formation politique. Cadre pur-sang de l’Udps, le successeur de Samy Badibanga avait ainsi calibré son propos. Il savait donc de quoi il parlait.
Par rapport à ce "serment" du Premier ministre, le moins que l’on puisse savoir, c’est que l’UDPS a été créée pour résoudre l’équation de la démocratie et du social. Son acronyme est tout aussi édifiant que n’importe quelle philosophie politique. En somme, l’Udps pourrait se résumer en progrès social. Et donc, le fondement de l’Udps reste ainsi la démocratie et le front social. Le bien-être de la population dans un Etat de droit. Etant à l’Udps depuis sa création, Bruno Tshibala devrait sans doute être sensible à cela. Evidemment, pas seul. Le Chef de l’Etat y compris.
Le Président Joseph Kabila pourrait s’estimer heureux d’avoir réussi la signature de deux Accords politiques, préalable à une gestion consensuelle du pays pendant la transition. Tant mieux, si c’est le prix à payer pour sortir la RD Congo de son marasme politique actuel. Cependant, si les conditions de vie de la population ne sont pas améliorées, ne serait-ce que partiellement, il y a donc risque qu’à l’avenir, l’Opposition ne puisse pas avoir un caractère politique. Elle partirait le plus naturellement du front social. L’histoire des révolutions à travers le monde est suffisamment illustrative. Si a priori, certains analystes attribuent la crise économique actuelle en RD Congo, à l’instabilité politique survenue à la fin constitutionnelle du second mandat du Président Joseph Kabila en décembre 2016, nombre d’observateurs pensent en même temps, que cette même situation n’est pas du tout désespérée.
ALLER AUX ELECTIONS AVEC UN PEUPLE QUI N’A PLUS FAIM
Que ce soit au niveau des gestionnaires du pays qu’à celui des opérateurs économiques privés, personne n’ignore le dénuement actuel de la population. Une misère noire qui l’amène à ne plus compter sur ses dirigeants. Dans son discours sur l’état de la Nation, le mercredi 5 avril dernier devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, le Président Joseph Kabila avait reconnu la souffrance de ses concitoyens qu’il avait attribuée à la fragilité des fondamentaux du tissu économique national.
Bientôt, la RD Congo aura un nouveau Gouvernement. Peut-être avant la fin de cette semaine. D’ores et déjà, cet exécutif a, outre les élections et la sécurité, le social comme mission.
Compte tenu de ce qui précède, le front social devrait par conséquent, mobiliser tout le monde. Pas en termes de discours philosophiques. Plutôt, en termes d’actes concrets pour que l’on sente qu’effectivement les choses sont en train de changer du point de vue de la vie quotidienne des populations.