C’est un Kabila souriant, détendu, rassuré qui s’est présenté devant la presse ce vendredi. Une conférence de presse qu’il a pris du temps à préparer. Beaucoup de journalistes si pas tous étaient informés et invités à quelques heures de la fameuse conférence de presse. Le service de communication de la présidence ont d’abord brouillé les pistes. Aux uns, il a été rapporté que c’est une conférence de presse avec le directeur de cabinet du chef de l’Etat. Aux autres, il a été dit qu’il s’agirait d’un simple briefing à l’intention des journalistes.

Au finish, Joseph Kabila s’est retrouvé face à plusieurs journalistes qui n’étaient certainement pas préparés à cet exercice dont le dernier remonte à il y a cinq ans. Certains journalistes, pas habillés pour la circonstance, se sont débrouillés à l’entrée, empruntant qui une veste qui une cravate pour avoir accès à la salle.

Lui, Kabila, avait des choses à dire, mais pas d’annonces particulières à faire ou des réponses à donner. Il avait des choses à dire et des cibles bien précises : l’Eglise catholique, la Belgique, la MONUSCO et dans une certaine mesure, la presse. Stratégique, il a prévenu qu’il ne répondrait pas aux questions sur sa personne ou sur des individus, mais sur la situation du pays. Ainsi, il a d’emblée écarté des interventions sur Katumbi, Tshisekedi et même sur sa famille. Malin, à la fin, il fera semblant de s’étonner qu’on lui ait pas posé des questions sur sa richesse et celle de sa famille.

Au début de la conférence, il avait promis de dire la vérité et de rassurer, mais à la fin beaucoup se posent encore la question sur ce que voulait vraiment dire Kabila et qu’est-ce que cette conférence de presse symbolise.





Kabila et les élections

« Je pense que le Congo est sur la bonne voie, celle des élections. On est sur les rails. Notre population doit avoir des élections apaisées. L’option a été levée depuis 2012 (…) Je pense que ce qui importe aujourd’hui, ce n’est plus qui est de l’opposition ou de la majorité, qui est Premier ministre et qui sera qui. Ce qui importe, c’est plutôt les élections et le processus électoral en cours », a-t-il dit.

A la question d’une consœur journaliste sur l’éventualité de se présenter à la prochaine présidentielle, Kabila a demandé qu’on remette à la journaliste une copie de la constitution. Ce qu’il n’a pas mentionné ce que l’un des slogans de son parti politique, c’est : « Kabila, candidat élu et éligible !» Sur une autre question sur la probabilité d’organiser un référendum, il a également demandé qu’on remette au journaliste une copie du calendrier électoral. Il n’a cependant pas mentionné que plusieurs cadres du PPRD battent quasiment campagne pour la tenue de ce référendum.

Kabila et l’église

Kabila n’a pas été tendre envers l’Eglise catholique. Il ne s’est pas privé d’une valse de piques et des vannes à l’endroit de l’Eglise et du cardinal Monsengwo, sans le citer. Pour lui, l’église a minimisé ce qui s’est passé au Kasaï.

« Qui a minimisé ce qui s’est passé ? Les leaders au sein de nos églises, les leaders politiques tout en sachant que ce sont des terroristes et criminels. Et on a toujours dit que ce sont des troupes des personnes non autrement identifiées. Même quand ces mêmes terroristes se sont attaqués aux églises et aux services publics”, a-t-il dit.

Ce que Kabila n’a pas dit ce que l’Eglise a payé au plus fort la violence du Kasaï. Ce qu’il n’a pas dit ce qu’environ 60 paroisses et 141 écoles catholiques ont été également détruites ou fermées. Il n’a pas non plus évoqué le fait que ces violences ont par exemple contraint Messeigneurs Félicien Mwanama Galumbulula et Pierre-Célestin Tshitoko Mamba, respectivement évêques Lwiza et de Luebo, à quitter leurs diocèses en avril 2017 suite aux menaces et attaques de la part des miliciens. Au mois de février dernier, l’évêché de Luebo avait même été incendié et jusqu’à ce jour se trouve en ruines. Ce qu’il n’a pas dit ce que l’évêque de Luiza reçu de menaces de mort et a été obligé de quitter son diocèse et s’est réfugié à Kinshasa. Il faut ajouter que plusieurs paroisses dont celles de Masuika, Yangala ont été également incendiées par les miliciens. Ce que le chef de l’Etat n’a pas dit ce que pendant leur séjour en dehors de leurs diocèses respectifs, Mgr Félicien Mwanama Galumbulula et Mgr Pierre-Célestin Tshitoko Mamba étaient allés visités les réfugiés congolais dans la province angolaise de Lunda Norte alors que le Ministre des Affaires Etrangères She Okitundu, en séjour en Angola, n’a pas daigné rendre même une courte visite de réconfort aux réfugiés congolais.

« Jésus-Christ n’a jamais présidé une Commission électorale », a ajouté ironiquement le président avant de demander à l’Eglise de « Rendre à César ce qui est à César ». Ce qu’il n’a pas dit ce que l’Eglise a quasiment servi de pont au pouvoir de Kinshasa pour traverser 2016 à 2017. Au cours d’un entretien informel entre l’abbé Nshole et un journaliste d’ACTUALITE.CD, le prélat reconnaissait tristement que le pouvoir s’est presque appuyé sur l’Eglise pour enjamber la fatidique date du 31 décembre 2016 au point de s’attirer même la colère d’une certaine partie de la population.

Kabila et la MONUSCO

« Après une vingtaine d’années, on a comme l’impression que la MONUSCO a l’ambition de rester », a constaté le Chef de l’Etat, avant de se demander : rester jusqu’à quand ? (…). On se réveille chaque jour et on entend la MONUSCO a dit ! La RDC va exiger le strict respect de l’accord de siège violé à plusieurs reprises par la MONUSCO. On a toujours posé la question à la MONUSCO : citez nous un seul groupe armé que vous avez réussi à éradiquer… aucun. Même l’offensive actuelle est l’effort des FARDC (…). C’est après la mort des experts de l’ONU qu’ils se sont réveillés pour dire que ces gens sont des terroristes, des mauvais. Il a fallu également que le contingent Tanzanien soit attaqué pour identifier les ADF comme des terroristes », a dit Joseph Kabila.

La réponse de la MONUSCO ne s’est pas fait attendre. La mission onusienne a rappelé les entraves quasi-quotidiennes dont elle est victime de la part des autorités congolaise. Sur RFI, la MONUSCO cite les drones de la mission qui ont été cloués au sol pour un vol de nuit qui n’aurait pas été signalé. L’ONU rappelle également son implication dans la lutte contre le M23 ou encore le CNDP. On peut ajouter la récente attaque contre Uvira où les miliciens Mai-Mai Yakutumba avec cinq embarcations (toutes armées de mitrailleuses) dont trois ont été détruites par les hélicoptères de la MONUSCO.

Kabila et la Belgique

« Qui a tué la démocratie dans ce pays ? Ils ont tué Lumumba et, avec lui, la démocratie. Qui a rendu la démocratie dans ce pays ? Ceux qui ont tué Lumumba et la Belgique devraient être humbles au lieu de s’ériger en donneur de leçon sur la démocratie », s’est enflammé Kabila. Des propos qui rappellent plusieurs manifestations, non réprimées, organisées devant l’ambassade de Belgique pour « réclamer la restitution de la dépouille de Lumumba ».

C’est un euphémisme que de dire que les rapports entre Bruxelles et Kinshasa ne sont pas bons par le temps qui court. Jeudi dernier, la Belgique a pris acte de l’annonce par les autorités congolaises des mesures concernant l’agence de développement belge (Enabel) et la Maison Schengen, à Kinshasa. Le ministère belge des Affaires étrangères a une fois de plus rappelé l’importance du dialogue et la nécessité d’aller vers les élections crédibles.

Kabila et la presse

Pour terminer, Kabila n’a pas hésité à critiquer ou mieux à humilier ouvertement la presse en évoquant les cas des journalistes ivrognes qui picolent la nuit et insultent la journée. Et sa chance, c’était également de se retrouver devant une partie de la presse composée des applaudisseurs et des rieurs à chaque vanne même contre eux.

C’est un Kabila tout sourire qui a quitté son pupitre, dont la ridicule décoration, n’a pas échappé aux internautes.

Que retenir ?

En définitive que retenir de cette conférence de presse si ce n’est l’image d’un Kabila qui ignore l’opposition, assume sa guerre contre l’Eglise catholique, ne dissimule pas son antipathie envers la MONUSCO et assume son bras de fer envers la Belgique, qui ne manque d’occasion de se montrer dure envers le pouvoir de Kinshasa. On a également vu un Kabila évasif sur son avenir politique, mais serein sur la suite des évènements. Peut-être qu’il faut lier cette assurance avec la restructuration du PPRD doublée du projet de reconfiguration du paysage politique portée notamment par le seuil de représentativité pour les prochaines législatives. Bref, un schéma qui aurait le projet d’assurer à Kabila une tranquillité après le 23 décembre 2018.

Patient LIGODI
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