Le mardi 21 juillet, une nouvelle crise a secoué les relations entre les institutions publiques congolaises, cette fois-ci entre le Président de la République et son Premier ministre. En cause, les ordonnances du chef de l’Etat, portant sur des nominations dans l’armée et au sein de

la magistrature, à l’insu et sans le contreseing du Premier ministre. Faut-il alors parler d’inconstitutionnalité de ces ordonnances ?
Dans les écrits administratifs, le respect de la hiérarchie apparaît dans certaines mentions qui illustrent la relation entre l’expéditeur et le destinataire. D’abord, la mention d’identification hiérarchique des documents administratifs que sont : le timbre, l’appellation officielle de l’État, le titre ou la souscription. Ensuite, les mentions relatives à la signature. Pour Jean Guéhenno, signer c’est toute une affaire, et quelques fois, un moment pénible, c’est l’instant où l’on s’engage, où l’on prend la responsabilité de ce que l’on vient d’écrire, où l’on mesure ce que cela vaut.

La signature comprend les visas et contreseing. Dans la pratique administrative, viser veut dire contrôler. Le visa est apposé par une autorité hiérarchique.
Le contreseing est l’action de signer un acte et valider ainsi une autre signature. En droit constitutionnel, l’autorité qui contresigne un acte en endosse la responsabilité, individuellement ou solidairement avec l’autorité qui a pris l’acte. S’agissant des actes du Président de la République, le contreseing exprime la collaboration des autorités politiques et l’engagement des ministres et du Premier ministre d’assurer l’exécution de ces actes.

Nous savons que le Gouvernement est l’émanation de la majorité législative, en période normale, le contreseing s’obtient aisément puisque l’Assemblée nationale soutient le président de la République. C’est donc le président de la République qui prend les décisions et les fait simplement signer. En revanche, en période de cohabitation, comme c’est le cas de la RDC qui expérimente une cohabitation impliquant un rapport de force permanent entre les pouvoirs présidentiel et exécutif, la signature du Premier ministre est plus difficile à obtenir.
Il y a lieu à ce niveau de faire une distinction entre les actes signés par le Président de la République et qui relèvent de sa compétence et les actes signés par le Président de la République, mais qui relèvent de la compétence du Premier ministre. Pour les premiers actes, le contreseing du Premier ministre est simplement une exigence formelle. Le Premier ministre contresignataire, n’est donc pas coauteur de l’acte contresigné, puisqu’il n’y a pas de partage de compétence. En conséquence, certes une éventuelle méconnaissance des règles relatives au contreseing constituerait un vice de forme. Cependant, la présence sur un acte d’un contreseing qui n’était pas requis, comme dans le cas des ordonnances du chef de l’Etat congolais, n’affecte pas la légalité de cet acte. La signature présidentielle conditionnant la légalité des nominations, ainsi l’acte est régulier de par la seule signature de son auteur. Dès lors, on ne saurait valablement parler d’inconstitutionnalité.

Cette situation est révélatrice d’une crise plus profonde, celle de l’instabilité des institutions publiques congolaises. Une instabilité qui est due à la méconnaissance du principe hiérarchique par les autorités publiques qui sont censées représenter ces institutions. On ne peut parler du fonctionnement interne des institutions publiques sans évoquer le principe hiérarchique qui en est la clef de voûte. Au sein de l’administration, il y a une autorité hiérarchique qui s’exerce du haut en bas. D’autre part, il y a une subordination du bas vers le haut. La hiérarchie présente plusieurs avantages. Le respect de la hiérarchie crée et maintient l’ordre et la discipline au sein de l’administration. Ainsi, le respect de la hiérarchie permet d’éviter l’anarchie, l’empiétement et le chevauchement des missions et des tâches à assurer, et garantit, par conséquent, une liberté d’action dans le champ d’intervention dont les différentes autorités se trouvent investies, sur la base des textes juridiques.
Mais la hiérarchie n’est pas seulement un principe d’organisation. Le principe hiérarchique répond aussi à un impératif politique en ce qu’il exprime le caractère essentiellement subordonné de l’administration. C’est grâce à lui que, dans un Etat démocratique, le pouvoir de décision réside en dernière instance dans une autorité politiquement responsable. Dans son livre intitulé, La correspondance administrative et diplomatique, Sylvie Ntsame  affirme que « la connaissance de la hiérarchie dans l’administration a des incidences sur le style administratif ». Par style administratif, il faut entendre la manière particulière de l’Administration, d’écrire ou d’exprimer sa pensée dans l’accomplissent de ses missions d’intérêt général.
Il est important que les autorités congolaises prennent conscience du fait que le respect du principe hiérarchique a une incidence dans l’accomplissent de leurs missions d’intérêt général. Les comportements des pouvoirs publics et des dirigeants, influent beaucoup sur le bon fonctionnement de l’administration. D’abord, nous pouvons citer comme illustration, la destitution de Kabund, l’ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale congolaise, suite à son refus catégorique de s’expliquer et d’apporter les preuves de ses allégations autour de l’organisation du Congrès pour la prorogation de l’état d’urgence. C’est donc sur la base de son comportement jugé inadéquat qu’il a été destitué. Avant que les députés ne procèdent au vote, une bagarre a éclaté, obligeant la présidente de l’Assemblée nationale, Jeannine Mabunda, à suspendre la séance.
La démission du ministre de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende, pour avoir transmis à l’Assemblée nationale l’avis du Gouvernement sur trois propositions de loi très controversées, sans consulter personne, est un autre exemple du non-respect du principe hiérarchique. Il nous paraît judicieux de préciser que la cohabitation n’est pas synonyme d’absence d’hiérarchie. En période de cohabitation tout comme en période de présidentialisme majoritaire, la hiérarchisation du pouvoir existe toujours au sein de l’exécutif. Le rapport de force que nous observons entre les pouvoirs présidentiel et exécutif, ne doit pas conduire au basculement de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’exécutif, se caractérisant par l’existence d’une dyarchie inversée, c’est-à-dire à un exécutif à deux têtes au sommet de l’État, où les deux têtes de l’exécutif sont dans une relation de concurrence directe, dans la mesure où l’élément déterminant de l’action en phase de cohabitation est l’élection présidentielle suivante. Certes, ces oppositions servent de marqueurs institutionnels, cependant, elles sont rarement motivées par des raisons de fond mais plutôt de stratégie de retardement, se déployant dans le pré carré constitutionnel du président et dans tous les aspects de la vie politique, économique et sociale où son intervention est requise.
Nous continuons de penser que dans un pays démocratique, le respect de la hiérarchie au sein des institutions est essentielle à la mise en œuvre et au succès des politiques publiques. Les frictions qui enveniment les relations entre le Parlement, le Gouvernement et le Chef de l’Etat en ce début de mandat présidentiel, mènent à des affrontements partisans et peuvent conduire à l’impossibilité de gouverner. Les différentes institutions publiques sont invitées à coopérer l’une envers l’autre afin d’accroître l’efficacité et l’efficience des politiques publiques, c’est en cela que réside la clef du succès des programmes politiques initiées par le président Félix Tshisekedi. Dans un régime de cohabitation, il faut favoriser l’esprit de compromis et de responsabilité afin de dénouer des tensions. La cohabitation impose une nouvelle dynamique du pouvoir et un partage inédit des compétences entre le chef de l’Etat, le Gouvernement et le Parlement.

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