La République démocratique du Congo (RDC), premier producteur mondial de cobalt, a récemment annoncé la suspension de ses exportations de ce minerai stratégique pour une durée de quatre mois. Cette décision, prise en réponse à la chute des prix du cobalt sur le marché international, pourrait avoir des conséquences économiques majeures pour le pays, tout en incitant les acheteurs à rechercher des alternatives.
Un minerai stratégique en crise
Le cobalt, essentiel à la fabrication des batteries pour véhicules électriques, est un pilier de l’économie congolaise. En 2024, la RDC a fourni 76 % de la production mondiale de ce minerai, selon l’Institut américain d’études géologiques (USGS). Cependant, une surabondance de l’offre, principalement due à l’augmentation de la production congolaise, a entraîné une chute spectaculaire des prix, divisés par quatre au cours des trois dernières années.
Le gouvernement congolais justifie cette suspension par la nécessité de « stabiliser le marché du cobalt ». Pourtant, cette décision pourrait se révéler à double tranchant. D’une part, elle vise à protéger les revenus du pays en limitant l’offre excédentaire. D’autre part, elle risque d’éloigner les investisseurs et de pousser les acheteurs à se tourner vers des alternatives, comme les batteries sans cobalt (LFP), moins performantes mais moins chères.
Une économie minée par des défis structurels
La RDC, l’un des pays les moins développés au monde, dépend fortement de son secteur minier, qui a contribué à 70 % de sa croissance économique en 2023. Cependant, ce secteur est gangréné par la contrebande, la corruption et l’exploitation illégale. Malgré les efforts du gouvernement pour réguler l’industrie minière, notamment par la création de l’Autorité de régulation des minerais stratégiques (Arecoms) et le monopole confié à l’entreprise publique EGC, les défis restent immenses.
Oluwole Ojewale, chercheur à l’Enact, souligne que « l’État n’a pas la capacité de contrôler et de faire respecter les règles » qu’il édicte. Les conditions de travail dans les mines artisanales, souvent illégales, restent précaires, avec des cas récurrents d’exploitation des enfants et de corruption.
Des risques économiques et stratégiques
La suspension des exportations a déjà commencé à faire remonter les prix du cobalt, notamment sur le marché chinois. Cependant, cette hausse pourrait inciter les fabricants à accélérer leur transition vers des technologies alternatives, réduisant ainsi la dépendance mondiale au cobalt congolais.
Robert Searle, analyste chez Fastmarkets, met en garde contre les risques de cette décision : « Cette interdiction a pris par surprise les entreprises chinoises, qui ont investi des milliards dans l’industrie minière congolaise. Elle pourrait freiner les investissements futurs et refroidir les investisseurs occidentaux que la RDC cherche à attirer. »
En outre, une perturbation prolongée de l’approvisionnement en cobalt pourrait encourager le développement de batteries LFP, moins dépendantes de ce minerai. Une telle évolution représenterait un défi majeur pour la RDC, dont l’économie repose en grande partie sur l’exportation de cobalt.
Une décision aux conséquences incertaines
Alors que la RDC tente de stabiliser son marché du cobalt, cette suspension soulève des questions sur sa capacité à maintenir sa position dominante dans un secteur en pleine mutation. Les défis structurels, combinés à une concurrence croissante et à une demande volatile, pourraient menacer la viabilité à long terme de cette industrie cruciale pour le pays.
Dans un contexte mondial en transition énergétique, la RDC doit trouver un équilibre entre la protection de ses ressources et la nécessité de rester compétitive sur un marché en constante évolution. La réussite de cette stratégie dépendra de sa capacité à réformer son secteur minier, à attirer des investissements durables et à diversifier son économie pour réduire sa dépendance aux matières premières.