Le Président de l’Assemblée nationale a saisi, depuis le week-end dernier, la Cour Constitutionnelle pour l’interprétation des articles 146 et 147 de la Constitution. Tout simplement parce qu’une crise couve à ce sujet au sein de la Représentation nationale. Les élus du peuple se tiraillent à répétition. 


Les uns pensent que la motion incidentielle ne peut nullement arrêter le débat lorsqu’une motion de censure est présentée. D’autres, par contre,  soulignent que la motion incidentielle peut être soulevée à tout moment et son examen est préalable à tout débat sur une question principale. Bien plus, elle peut, pensent ceux-ci, arrêter le débat et le vote d’une motion de censure. Face à cette contradiction, Aubin Minaku, accusé par ses collègues de  l’opposition de faire le jeu de sa famille politique, a décidé de saisir officiellement la Cour Constitutionnelle, pour interprétation. Ci-dessous, l’intégralité de ladite requête.           
L’Assemblée nationale ayant son siège au palais du peuple, dans la commune de Lingwala, dans la ville de Kinshasa, poursuites et diligences de l’Honorable Aubin MINAKU NDJALANDJOKO, son Président, agissant en vertu des dispositions de l’article 161 de la Constitution et de l’article 29 du règlement intérieur de l’assemblée nationale adopté le 16 mars 2012 et déclaré conforme à la Constitution par la Cour Suprême de Justice, faisant Office de la Cour Constitutionnelle, par l’arrêt R. Const 184/TSR du 26 mars 2012  ainsi que l’article 54 de la loi organique n°013/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.
A l’honneur de saisir la Cour Constitutionnelle aux fins d’interpréter les articles 146 et 147 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 modifié par La Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution, et d’exposer à cet effet ce qui suit.
Aux termes de l’article 146 de la Constitution, l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure ou de défiance.
L’article 138 de la Constitution précise que les moyens de contrôle de l’Assemblée nationale sur le gouvernement s’exercent dans les conditions déterminées par le règlement et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou de censure conformément aux articles 146 et 147 de ladite Constitution. Ces motions de défiance ou de censure sont examinées en séance plénière.
Au cours de la séance plénière organisée le 04 mai 2015 par l’Assemblée Nationale à la suite d’une motion de défiance dirigée contre un membre du gouvernement, une motion incidentielle a été soulevée par un Député national.
Lors du débat sur le bien-fondé de ladite motion incidentielle, deux tendances se sont dégagées sur la question de savoir si une telle motion incidentielle sur le processus du débat et du vote d’une motion de censure ou de défiance déjà programmée en plénière.
La première tendance soutient qu’une motion incidentielle peut être soulevée à tout moment et son examen est préalable à tout débat sur une question principale, en l’occurrence, elle peut arrêter le débat et le vote d’une motion de censure ou de défiance dirigée contre le gouvernement ou un membre du gouvernement.
Cette tendance forme son argument sur le prescrit de l’article 69, alinéas 1 et 6, et 70 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, du reste déclaré conforme à la Constitution, aux termes de l’arrêt R. Const 184/TSR du 26 mars 2012 pré-rappelé.
En effet, l’article 69 du Règlement Intérieur, qui organise la procédure de débat parlementaire en séance plénière, donne à tout membre de l’Assemblée nationale la faculté de demander, avant ou au cours d’un débat, la parole par motion d’ordre, motion de procédure, motion d’information, motion préjudicielle ou par motion incidentielle. L’alinéa 6 de cet article 69 précise que la motion incidentielle est celle qui intervient au cours des débats et sur laquelle l’Assemblée nationale doit se prononcer avant de commencer ou de poursuivre les débats sur une question principale.
Et pour renchérir, l’article 70 dudit règlement intérieur stipule que la motion a priorité sur la question principale.
Elle suspend la discussion et la motion est mise aux voix.
Cette tendance estime que la motion incidentielle ou de censure est une question principale dont les débats et les votes peuvent être suspendus par l’Assemblée plénière à la suite d’une motion incidentielle sollicitée par un membre de l’Assemblée nationale conformément aux articles 69 et 70 susvisés. Cette tendance soutient aussi que la motion incidentielle et préjudicielle permet à l’Assemblée plénière de veiller au respect de la Constitution et de la législation nationale lors de l’examen de toute matière ou de toute question principale, en l’occurrence la motion de défiance ou de censure.
La deuxième tendance estime quant à elle qu’une motion incidentielle ne peut arrêter le débat et le vote d’une motion de censure ou de défiance dirigée contre le Gouvernement ou un membre du gouvernement. Cette tendance fonde son argumentaire sur le prescrit des articles 146 alinéas 2 et 3, et 147 de la Constitution et 209, alinéas 1, 2, 3, 4 et 5 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, qui déterminent les conditions de leur recevabilité, ainsi libellés :
« L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement ou d’un membre du gouvernement par le vote d’une motion de censure ou de défiance. La motion de censure contre le Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée nationale. La motion de défiance contre un membre du Gouvernement n’est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de l’Assemblée nationale.
Le débat et le vote peuvent avoir lieu que quarante-huit heures après le dépôt de la motion. (…) ».
Cette tendance soutient que la recevabilité est appréciée par le Bureau de l’Assemblée nationale au regard des signatures requises par la Constitution et le Règlement intérieur de cette chambre législative.
En outre, cette tendance opine que la motion de censure ou de défiance est une question déterminée tant par la Constitution que par le Règlement intérieur  de l’Assemblée nationale. De ce fait, elle ne rentre pas dans la catégorie d’une question principale au sens de l’article 69 du règlement intérieur susvisé. Elle serait une question spéciale dont la procédure et les conséquences seraient déterminées par les articles 146 et 147 de la Constitution. Elle estime également que la motion incidentielle soulevée à la suite d’une motion de censure ou de défiance n’est pas une question principale au sens de l’article 69, mais constitue un élément du débat susceptible de vote dans un sens ou dans un autre.
Elle considère que dès lors que, après vérification du nombre des signatures requises par le Bureau de l’Assemblée nationale et la convocation de l’Assemblée plénière pour débat et vote, aucune motion incidentielle ne peut empêcher le déroulement du débat et le vote de la motion selon la procédure et les délais de quarante-huit heures fixés par les articles 146 de la Constitution et 209 du Règlement Intérieur.
RECEVABILITE DE LA REQUÊTE
Cette requête est mue conformément à l’article 161 de la Constitution et à l’article 54 de la Loi organique n°013/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ainsi que de l’article 29 du Règlement intérieur de l’assemblée nationale. Elle sera dès lors déclarée recevable.
Par ces motifs,
Plaise à la Cour Constitutionnelle, d’interpréter les articles 146 et 147 de la Constitution pour savoir si l’Assemblée Nationale, lors de l’examen et des débats sur la motion de défiance contre un membre du Gouvernement et/ou d’une motion de censure contre le Gouvernement, peut faire usage des motions incidentielles ou préjudicielles.
Kinshasa, le 11 décembre 2015
Aubin Minaku NDJALANDJOKO
Président de l’Assemblée Nationale   

INVENTAIRE DES PIECES
Le règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale adopté le 16 mars 2012 ;
L’Arrêt de la Cour Suprême de Justice, R.CONST.184jTSR du 26 mars 2012 en matière d’appréciation de la conformité de la Constitution du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ;
Le procès-verbal de la séance plénière de l’assemblée nationale du 12 avril 2012 ayant élu l’Honorable Aubin MINAKU NDJALANDJOKO comme Président de l’Assemblée Nationale.
Le procès-verbal de la séance plénière de l’Assemblée nationale du 04 mai 2015 consacrée à l’examen de la motion de défiance contre le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité.
Fait à Kinshasa, le 11 décembre 2015
Aubin Minaku NDJALANDJOKO
Président de l’Assemblée Nationale  

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