En cette année 2016, toute manifestation à caractère politique relative aux événements du 16 février 1992 n’a aucun lien d’esprit, ni de corps avec la Conférence nationale souveraine, moins encore avec la sauvegarde des acquis du processus démocratique, quand on sait que ces assises avaient été liquidées par la 3ème voie (ni Cns, ni Conclave politique de Kinshasa) en 1994, davantage par le Dialogue intercongolais de 2001 à 2003.

Que s’est-il réellement passé le 16 février 1992 pour que » Dynamique « , » G7 « , » Filimbi » et » Front citoyen 2016 » en viennent à appeler à une » journée ville-morte » le 16 février 2016, au motif de défense de la Constitution et de respect des délais constitutionnels pour le processus électoral ? Quand on sait que bon nombre d’acteurs de ces organisations étaient des Forces politiques du conclave (Fpc) – famille politique à laquelle appartenait le Chef de l’Etat d’alors (entendez le maréchal Mobutu) – et qu’ils étaient directement ou indirectement impliqués dans la répression sanglante de la Marche des Chrétiens, on ne peut qu’être sidéré de leur capacité de retournement, convaincus qu’ils sont de la naïveté de l’homme de la rue, lui-même victime de l’amnésie pratiquée par des observateurs politiques pourtant au courant de la vérité des faits…
L’histoire est simple à redresser et à retracer : le 19 janvier 1992, avançant comme raison « la violation par le bureau des prérogatives du Gouvernement, la tentative de coup d’Etat militaire commandité par l’Union sacrée et le nombre trop élevé des conférenciers pour lesquels l’Etat dépense trop d’argent », le Gouvernement du Premier ministre Jean de Dieu Nguz, issu des Accords du Palais de Marbre II, suspend les travaux de la Conférence nationale souveraine ouverte le 31 juillet 1991, butée déjà à de nombreux obstacles dont l’un des plus importants est le pillage du tissu économique et social survenu les 23 et 24 septembre, avec comme conséquence politique les premières négociations du Palais de Marbre I. D’où les Accords du Palais de MarbreI.
Pour réclamer la réouverture de la Cns, un Comité organisateur constitué de quelques abbés et laïcs annonce une Marche de l’Espoir, muée en Marche des Chrétiens, et fixent à cet effet la date du 16 février 1992.

LA VEILLE, POUR RAPPEL, L’UDPS CELEBRE LES 10 ANS DE SON EXISTENCE
Pour obtenir la levée de la mesure de suspension de la Cns, le cardinal Frédéric Etsou se rend au couvent d’Iyonda, dans la périphérie de Mbandaka, pour rencontrer le maréchal Mobutu. Au terme de l’audience, il annonce solennellement la garantie obtenue du Chef de l’Etat de rouvrir la Conférence. Il en appelle alors à l’annulation pure et simple de la Marche. Le Comité organisateur décide, par contre, de la maintenir, en dépit des « fuites d’information » faisant état d’une répression sanglante possible.
Le dimanche 16 février 1992, les fidèles catholiques qui participent aux premières messes matinales sont priés d’attendre une consigne. Ils sont entre-temps instruits de se munir de mouchoir imbibé et de bidon d’eau, outre la Bible, le Missel, le Chapelet et rameaux, tout en entonnant des cantiques. Et, surtout, de ne réagir à une aucune provocation de la part des agents de la Garde civile et des forces armées.
Entre-temps, le gouverneur de la ville interdit la manifestation au motif de non existence légale du Comité organisateur. La Marche des Chrétiens a quand même lieu, le go attendu étant donné par les Organisateurs. Aux Chrétiens catholiques, qui connaissent les itinéraires à emprunter, s’ajoutent les Protestants, les Salutistes, les Kimbanguistes, les Musulmans etc. qui, eux, n’ont pas la consigne de se munir du mouchoir imbibé et de bidon d’eau. Ils seront tout naturellement les seuls à suffoquer lorsque les bombes lacrymogènes seront lancées.
Les Catholiques, au moins, connaissent le point de ralliement : la paroisse Saint Joseph, à Matonge, commune de Kalamu. Les informations révélées plus tard font état de la présence des caméras braquées sur la nef où toutes les victimes décédées à la suite de la répression doivent être déposées. Le bilan des tués est controversé : 17 morts pour le Gouvernement, 32 pour la Lizadho, 49 pour Msf. Des vies qui seraient épargnées si le conseil du cardinal Frédéric Etsou avait été suivi…

CE N’EST NI PLUS, NI MOINS QUE DE L’ESCROQUERIE POLITIQUE
Le dimanche 16 février 1992, la répression est donc sanglante. Des éléments en armes et en uniformes, dont certains parlant le portugais et soupçonnés d’appartenir au mouvement rebelle angolais Unita de Jonas Savimbi seraient aperçus dans des coins stratégiques de la ville. Comme Matonge justement.
A l’époque, il n’y a pas de réseaux sociaux. Mais, les images sont reprises par les grandes chaînes de télévision du monde avec une rapidité stupéfiante.
On sait seulement que le 16 février 1993, le cardinal Laurent Monsengwo, à l’époque Monseigneur, va faire la déclaration « Plus jamais de 16 février dans ce pays ». Ce cri de cœur, laisserait-on entendre, traduit la colère et la tristesse ressenties lorsque, après la manifestation, il découvre l’ampleur de la manipulation : le sang des Chrétiens livré en pâture par des hommes sans foi ni loi, des gens ayant besoin de ce sang là pour des raisons éloignées des préoccupations démocratiques liées à la Cns.
« Chassez le naturel, il revient au galop », dit-on. Pour avoir annoncé l’année jubilaire de la Marche des Chrétiens le 16 février 2016, la Cenco a observé des tentatives délibérées de récupération des événements. Aussi, a-t-elle décidé de ne pas les commémorer.
Curieusement, les organisations soupçonnées de cette récupération se résolvent à maintenir la Marche, transformée maintenant en » journée ville morte « , comme si personne n’a conscience, jusque-là, de conséquences fâcheuses de cette initiative qui accentuait en même temps la détérioration du climat des affaires et le chômage.
Pour autant qu’ils soient honnêtes, les acteurs politiques, hier proches du maréchal Mobutu, devraient commencer par demander pardon au peuple congolais avant de lier leurs noms à quelque manifestation publique commémorant le 16 février 1992. Et, avec eux, leurs enfants évoluant aujourd’hui dans » Dynamique « , » G7 « , » Filimbi » et » Front citoyen 2016 « .
Aussi, en cette année 2016, toute manifestation à caractère politique relative aux événements du 16 février 1992 n’a aucun lien d’esprit, ni de corps avec la Conférence nationale souveraine, moins encore avec la sauvegarde des acquis du processus démocratique, quand on sait que ces assises avaient été liquidées par la 3ème voie (ni Cns, ni Conclave politique de Kinshasa) en 1994, davantage par le Dialogue intercongolais de 2001 à 2003.
En définitive, elle est plus qu’escroquerie politique : c’est une injure à la mémoire des victimes.
Omer Nsongo die Lema

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