Au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue, mardi 15 mars, à l’Institut français de Kinshasa, le chirurgien congolais Denis Mukwege a dit son espoir de voir l’avènement de l’alternance démocratique garantir la stabilité du pays mais aussi la paix et la sécurité pour les femmes. Dans une interview accordée à radio Okapi, mercredi 16 mars, "l’homme qui répare les femmes" est allé plus loin en déclarant qu’il est fatigué de s’attaquer aux "effets" en opérant deux ou trois la même femme victime de viol. C’est ainsi qu’il a décidé de donner de la voix. Une manière de s’attaquer aux "causes de violence faites aux femmes". Le discours humaniste - axé sur la défense du droit à la dignité humaine - claironné par ce prestigieux praticien pourrait se révéler comme une "note éliminatoire" attribuée à "Joseph Kabila" ainsi qu’au système qu’il incarne depuis quinze ans.

A l’invitation de l’Institut français de Kinshasa, Dr Denis Mukwege dont la résidence se trouve à Bukavu est venu dans la capitale parler de son credo : la violence faite aux femmes et l’impunité dont jouissent les présumés auteurs de ces crimes. Un sujet qui fait hérisser les cheveux du "raïs". Il faut dire que Mukwege a dans son viseur non seulement les miliciens des bandes armées qui fleurissent dans les deux provinces du Kivu mais aussi des soldats de l’armée congolaise.

Pour la petite histoire, cette conférence a été annulée dans un premier temps. Dans ce Congo dit démocratique où les "services" dits de sécurité se mêlent de tout et de rien, "quelqu’un" a contacté le conférencier, mardi, en lui disant de ne pas quitter son hôtel pour se rendre dans le Halle de la Gombe où le public l’attendait. "On m’a dit de ne pas quitter mon hôtel", confiait Mukwege. On imagine que des pressions diplomatiques ont fini par faire débloquer la situation. Pitoyable!

Mardi, le médecin-directeur de l’hôpital de Panzi a pris la parole en effleurant en liminaire notamment la proposition de "Joseph Kabila" de mettre sur pied deux "chambres mixtes" de justice avec pour compétence de connaître les "crimes contre l’humanité" commis au Congo-Kinshasa depuis 20 ans. L’orateur a qualifié cette initiative de "pertinente" sans se départir de sa conviction profonde d’être en face d’un pouvoir laxiste.

Alternance démocratique

A l’instar de la grande majorité des Congolais, Denis Mukwege a acquis la conviction que seule l’alternance démocratique est propice de garantir non seulement la stabilité politique mais aussi la sécurité et la paix, deux conditions nécessaires pour leur développement.

Dans l’interview qu’il a accordée, mercredi 16 mars, à radio Okapi, Dr Mukwege a été plus explicite
en soulignant que "c’est le respect de la Constitution qui entraînera une alternance pacifique".

A ceux qui se demandent s’il a abandonné le "bloc opératoire" au profit de l’arène politique, il répond qu’il est fatigué de "traiter les conséquences" en opérant deux ou trois la même femme violée. C’est ainsi qu’il a décidé de s’attaquer aux "conflits" qui constituent la "cause".

Pour lui, en rappelant aux gouvernants qu’ils ont des devoirs à l’égard des gouvernés, il ne fait qu’assumer son devoir de citoyen.

Inutile de dire que Denis Mukwege et "Joseph Kabila" se regardent depuis belle lurette en chiens de faïence. Le médecin n’a jamais fait mystère de sa méfiance à l’égard des dirigeants de son pays préférant solliciter des protections au niveau international. "Je ne voudrais pas être un héros mort", rétorque-t-il à ceux qui le lui font remarquer sur le ton de reproche.

Un "’adversaire coriace"

En décembre 2014, les autorités congolaises avaient poussé le cynisme jusqu’à mettre sous séquestre le compte bancaire de l’hôtel de Panzi sous le prétexte que cet établissement devait l’équivalent de 500.000 € au fisc à titre rétroactif. Une mesure qui n’a jamais été appliquée aux autres centres hospitaliers.

Recevant lundi 18 janvier 2016, au Parlement européen, à Bruxelles, le Prix lui décerné par la "Fondation pour l’égalité des chances en Afrique" du Mauritanien Mohamed Ould Bouamatou, le Denis Mukwege n’a pas raté l’occasion de décocher quelques flèches aux dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir. Pour lui, "le refus de l’alternance démocratique fait couler beaucoup de sang en Afrique". Et d’ajouter : "L’Afrique n’a pas besoin de messies mais des institutions fortes et des lois qui s’imposent à tous".

Pour des observateurs, Denis Mukwege - dont le discours vertueux et humaniste a conquis la terre entière - pourrait devenir, dans les semaines et mois à venir, cet "adversaire coriace" que la mouvance kabiliste n’attendait pas. L’homme a déjà annoncé les couleurs en déclarant que la détention de Fred bauma et Yves Makwambala ne fait que ternir l’image du Congo-Kinshasa...

B.A.W

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