Le salaire ne suffisant pas, le Cardinal Frédéric Etsou et les parents de certaines écoles catholiques avaient décidé de prendre en charge des enseignants. Question de sauver leur progéniture d’une année blanche qui s’annonçait alors, cette solution provisoire a pris une allure définitive. Aujourd’hui, dans certains milieux, moins nantis, des conséquences d’un enseignement "monnayé" se révèlent calamiteuses. Des voix s’élèvent pour reconnaître que le système éducatif congolais coûte très cher pour les moins favorisés…

Dans les environs de certaines écoles à Kinshasa, de plus en plus, les élèves en uniforme bleu et blanc envahissent les rues pendant les heures des cours. Il suffit de poser une question pour découvrir qu’ils ont été chassés. Pour non-paiement des frais de scolarité. Ce n’est pourtant pas sans conséquences…
Nsimba est élève en troisième année scientifique à Makala. Son père est une sentinelle chez un particulier. Sa mère se débrouille en tenant un petit commerce. Il déclare qu’après avoir été chassé une ou deux fois, il est souvent découragé. Il se sent diminué. Ce qui fait qu’il préfère rester à la maison jusqu’à ce que ses parents trouvent de l’argent pour payer les frais de motivation.
M. Kudidia, enseignant des mathématiques dans une école protestante à Ngaba souligne le fait que la chasse provoque souvent une baisse du niveau des élèves. "Au début de l’année, nous dénichons les meilleurs élèves dans nos classes respectives. Quand au milieu de l’année, la chasse pour non-paiement devient intense, le niveau des élèves identifiés comme intelligents au début de l’année baisse naturellement."
Les parents se saignent à quatre veines pour la scolarisation de leurs enfants. Dans le pire des cas, certains baissent les bras. En réalité, le manque d’argent pour le paiement des frais visant la motivation des enseignants ont des conséquences néfastes. Les enfants sont expulsés de l’école, ils n’étudient plus. Surtout quant il s’agit des écoles où la chasse est systématique. Les élèves y viennent à intervalles plus ou moins réguliers.
"La prise en charge dévalorise l’enseignant en faisant fonctionner l’école publique comme une école privée, affirme Mme Getou, professeur de Biologie. En fait, l’élève dont les parents paie les frais qui motivent les profs, se trouve dans une situation de condescendance vis-à-vis des enseignants… "

LA DISCRIMINATION
Selon un inspecteur qui a requis l’anonymat, "l’école devient une lourde charge pour les parents pauvres ceux-là même que le gouvernement devrait aider ou accompagner pour un meilleur cheminement des enfants dans le cursus scolaire. " Et puis, constate-t-il, le clivage est net entre les écoles fréquentées par les nantis et celles des démunis, entre les écoles où les enseignants sont bien motivés et les autres où la motivation "démotive".
Pour le professeur Kilundu, "le système scolaire congolais n’est vraiment pas basé sur la notion de l’égalité des chances. Elle offre très peu de chance aux enfants qui viennent des familles pauvres à cause justement de la prise en charge des enseignants par les parents. Lorsque la majorité des enfants n’a pas payé les frais, la minorité qui a payé a un encadrement minimal. En fait, le peu d’argent perçu ne répond pas aux besoins des enseignants".

LA DEPERDITION SCOLAIRE
Certaines écoles perçoivent les frais de scolarité, ceux de motivation compris, avant la rentrée scolaire. La suite est programmée selon un agenda bien déterminé. S’ensuit alors la stabilité des effectifs.
Dans les écoles où cette programmation n’est pas possible, la chasse est le seul moyen de faire pression aux insolvables. Mais, avec comme conséquence, le dépeuplement des salles de classes et la variation permanente des effectifs. Aussi, la déperdition est-elle considérée, dans les milieux défavorisés, comme un des méfaits inhérents à la prise en charge des enseignants par les parents. Ce fléau touche notamment des écoles publiques situées dans la périphérie de la ville de Kinshasa : Ngaba, Makala, Kimbanseke, Kisenso, Selembao, Bumbu…

UNE POMME CHAUDE
Telle une pomme chaude que personne ne veut avaler, la prise en charge paraît aujourd’hui sans paternité. Les uns et les autres se rejetant la responsabilité de sa pérennisation.
L’opinion nationale retient l’Eglise catholique comme parraine de ce système tant décrié. A chaque rentrée scolaire, plusieurs écoles de la capitale exigent aux parents de verser les frais de scolarité pour les nouveaux inscrits, et les frais de confirmation pour les anciens. Mais, la position officielle de l’épiscopat catholique ne change presque pas : "C’est le pouvoir organisateur, donc l’Etat, qui doit prendre ses responsabilités. C’est lui qui emploie. Les parents ne doivent pas payer les enseignants. Donc la prise en charge doit être supprimée. "
Plaidant pour la suppression de la motivation des enseignants en 2015, un groupe des parlementaires, la Dynamique des Parlementaires acquis au bon sens, avait recommandé la prise en charge effective et intégrale des enseignants par le gouvernement Matata Ponyo.
A propos de la prise en charge des enseignants par les parents, Maker Mwangu, l’ancien ministre de l’EPSP avait reconnu que ces frais étaient prohibés et promettaient des sanctions aux récalcitrants : "La prise en charge n’existe pas. Mais j’aimerais aller plus loin : ce n’est pas normal que les parents paient les enseignants. "
A tous les niveaux, le système de la motivation des enseignants n’est plus soutenu, car considéré comme pernicieux.

LA SUPPRESSION VIVEMENT SOUHAITEE
Système à bout de souffle, la prise en charge des enseignants par les parents a montré ses limites. Sa suppression est une exigence non-négociable pour l’amélioration du système éducatif de la République démocratique du Congo. Cette suppression présente à l’heure actuelle un double enjeu. Il s’agit d’ouvrir l’accès à l’école à tous les enfants congolais sans aucune discrimination. Et aussi de donner à chaque enfant la possibilité de bénéficier d’un enseignement de qualité.
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