Depuis que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) a rendu public le calendrier électoral global (12 février 2015), la fièvre électorale ne fait que monter à travers le pays. En dépit des contraintes financières susceptibles d’entraîner le glissement du processus électoral, le souverain primaire congolais est prêt à tout accepter, sauf le report de la présidentielle annoncée pour le 27 novembre 2016.
Dans la perspective de l’après-Kabila, les candidats à sa succession se bousculent déjà à travers les médias. A cet effet, trois « paquets » de présidentiables se sont déjà constitués : Majorité Présidentielle, Opposition et Indépendants. A en croire les listes en circulation sous les manteaux, la famille politique du Chef de l’Etat pourrait imploser dans les mois à venir et laisser s’afficher comme candidats des personnalités telles qu’Aubin Minaku (PPRD), Augustin Matata (PPRD), Moïse Katumbi (PPRD ou Indépendant), Pierre Lumbi (MSR), Adolphe Muzito (Palu)… voire Olive Lembe Kabila (PPRD). Les ambitions politiques des uns et des autres pourraient se préciser peu après l’annonce officielle de la « retraite politique » de l’Autorité morale de la MP, que l’on pense devoir intervenir au milieu de l’année 2016, avant que la CENI n’ouvre la période de dépôt des candidatures, le 6 mai. La position finale de Joseph Kabila est très attendue par ses troupes pour leur positionnement politique futur.
Du côté de l’Opposition, l’on cite pêle-mêle Etienne Tshisekedi (UDPS), Léon Kengo wa Dondo (OR), Jean-Pierre Bemba (MLC), Vital Kamerhe (UNC), Jean-Lucien Busa, Antipas Mbusa Nyamwisi, etc. Même s’il ne s’est pas encore prononcé, Etienne Tshisekedi est pressenti candidat à la présidentielle compte tenu du hold up électoral dont il avait été la grande victime en novembre 2011, de son insistance sur le retour de l’Etat de droit en République Démocratique du Congo et de la forte assise socio-politique de son parti au pays comme à l’étranger. Ses sorties médiatiques lors des journées folles du 19 au 21 janvier 2015 et surtout le samedi 21 février à Bruxelles devant sa « base » d’Europe ont convaincu plus d’un observateur de son intention, non encore dévoilée, de briguer la magistrature suprême. Un humoriste a souligné dernièrement que même dans un fauteuil roulant ou sur des béquilles, l’Opposant historique est capable de rafler la mise s’il s’alignait pour la présidentielle de 2016.
Discret comme d’ordinaire mais fin politicien, Kengo wa Dondo ne dévoilera jamais son jeu tant qu’il n’aura pas la certitude qu’il est capable de fédérer l’Opposition pour la présidentielle. Toutefois, sa participation aux Concertations Nationales de septembre-octobre 2014 et au Gouvernement dit de « cohésion nationale » a laissé l’impression d’une politique de petits pas vers un objectif précis : la conquête du pouvoir au sommet de l’Etat. La mise en place d’une plateforme politique dénommée « Opposition Républicaine » (OR) a tout l’air d’une plateforme électorale.
Bien que Jean-Pierre Bemba en soit à sa huitième année de détention à La Haye sous l’inculpation de « crimes de guerre et crimes contre l’humanité », ses partisans continuent de se bercer de l’illusion de le voir libre avant la présidentielle de 2016 et revenir en force au pays pour bousculer tous les calculs des prétendants à la magistrature suprême. Victime, comme Tshisekedi, des tripatouillages des scrutins en 2006, « Igwe » n’en continue pas moins d’être le chouchou des millions de compatriotes.
C’est sûr que Vital Kamerhe va postuler pour la présidentielle de 2016. Son déguerpissement manu militari de la résidence qu’il occupait à Gombe comme président de l’Assemblée Nationale, l’obstruction à sa caravane de la paix à l’Est du pays en 2014, ses ennuis judiciaires dans le dossier « Wivine » et sa séquestration pendant presque 24 heures au siège de son parti, sur l’avenue de l’Enseignement (Kasa-Vubu) du 18 au 19 janvier 2015 paraissent, aux yeux des cadres et militants de l’UNC, de l’Opposition et de l’homme de la rue, comme des manœuvres politiciennes visant à le disqualifier. Il compte capitaliser au maximum sa rupture bruyante avec Kabila en 2009 ainsi que son activisme contre toute révision de la Constitution et de la Loi électorale et partant contre le troisième mandat du précité.
Matungulu quitte le FMI pour sa liberté de parole
Freddy Matungulu, ministre des Finances, du Budget et de l’Economie dans le premier gouvernement de Joseph Kabila, d’avril 2001 à février 2003, et haut fonctionnaire auprès du FMI (Fonds Monétaire International), vient de démissionner de cette institution après 20 ans de bons et loyaux services. Dans sa note explicative datée du lundi 23 février 2015, il parle d’une retraite anticipée qu’il a délibérément décidé de prendre afin de s’affranchir de l’obligation de réserve que lui imposait sa fonction et de retrouver pleinement sa liberté d’expression.
En tant que haut fonctionnaire international, a-t-il indiqué, il ne pouvait s’exprimer à fond sur des questions politiques et autres d’intérêt national, sans heurter certaines susceptibilités dans les rouages des institutions de Bretton Woods.
On rappelle que Freddy Matungulu a assidûment participé, depuis un certain temps, aux débats relatifs à la modification de la Constitution et de la Loi électorale, au respect du nombre des mandats présidentiels, aux atteintes aux droits de l’homme, à la montée de la pauvreté au sein des masses congolaises, à la dénonciation des antivaleurs dont la corruption et la mauvaise gouvernance, etc.
D’aucuns le soupçonnaient sérieusement d’avoir des visées sur le fauteuil présidentiel. Avec son départ volontaire du FMI, l’on pense qu’il va revenir bientôt au pays battre campagne pour la présidentielle, soit comme indépendant, soit comme leader d’un parti qui reste à créer. Technocrate fort apprécié des institutions de Bretton Woods et, semble-t-il, de Washington, il serait parrainé par le pays de l’Oncle Sam.
Dans la corbeille des « indépendants », on retrouve également Noël Tshiany, un économiste de renom qui officie comme Directeur à la Banque Mondiale. A l’image de Matungulu, il serait lui aussi soutenu par un lobby américain. Dans les milieux de la Banque Centrale du Congo, on l’a toujours cité parmi les architectes de la réforme monétaire de 1998. L’auteur de « La force du changement », un ouvrage de récente parution, se croit en droit de diriger le pays comme Chef de l’Etat.
L’autre « indépendant » bien coté du côté de Bruxelles n’est autre que le Docteur Denis Mukwege, Directeur de l’Hôpital de Panzi. Ses exploits dans la prise en charge des femmes victimes des violences sexuelles à l’Est du pays ont franchi les limites des frontières nationales. Candidat « Prix Nobel de la Paix », l’homme en blouse blanche s’illustre par des critiques acerbes contre le pouvoir en place, ce qui l’a propulsé dans l’arène des prétendants à la course à la présidentielle.
Qui est qui ?
Ce qu’il faut retenir est qu’en 2016, la RDC va connaître un foisonnement sans précédent de candidatures à la présidentielle. Dans une démocratie qui se respecte, cela ne devrait pas déranger. Mais, s’il y a un exercice auquel devraient se soumettre les compétiteurs, c’est de renseigner correctement l’électorat sur leur passé.
Avant d’aller aux urnes, les Congolais devraient savoir qui a fait quoi avant de prétendre occuper le fauteuil présidentiel. Il serait souhaitable, à ce sujet, que chaque candidat ait l’honnêteté de présenter son bilan de gestionnaire des affaires publiques, de parlementaire, de leader politique, d’opérateur économique, de haut fonctionnaire national ou international, d’activiste des droits de l’homme, de formateur de la jeunesse, etc. C’est au regard du cursus professionnel ou politique d’un chacun et de ses « œuvres » que l’électorat pourrait se déterminer.
Kimp