Accusé d’avoir séquestré trois éléments de la "garde présidentielle" le lundi 19 décembre, le député national Franck Diongo a été passé à tabac et emmené au camp Tshatshi où il a été torturé par les tristement célèbres "GR". Jugé six jours après par la Cour suprême de justice (CSJ), l’accusé a été condamné jeudi 29 décembre à cinq ans de prison. Membre du Rassemblement, Diongo a, à maintes reprises, accusé le Président sortant d’avoir bloqué sciemment le processus électoral pour pérenniser son pouvoir. L’opposant était depuis belle lurette dans le viseur de "Joseph Kabila". Et ce pour avoir dit haut et fort que celui-ci "ne sera plus Président dès le 20 décembre 2016". Il avait boycotté les "discussions directes" organisées sous les bons offices des évêques catholiques. Les pressions subies par les juges de la Cour suprême confirment que "Joseph Kabila" considère le Congo-Kinshasa comme une jungle où il se voit dans le rôle du "roi lion".

Accusé d’avoir "séquestré" trois membres de la garde prétorienne de "Joseph Kabila" dite "Garde républicaine" (GR), l’opposant Franck Diongo Shamba a été condamné, jeudi 29 décembre, à cinq ans de prison. "Jugé en état d’hospitalisation, l’accusé, affaibli, n’a pu organiser sa défense en violation de ses droits gravés dans la Constitution", a déclaré son conseil Laurent Onyemba.

Le condamné aurait été transféré dans l’après-midi à la prison centrale de Makala.

Député national, Diongo a été arrêté lundi 19 décembre pendant que la population sifflaient et tapaient sur des casseroles en disant "bye bye Kabila".

Réputés pour leur inféodation à la Présidence de la République, les magistrats congolais font généralement preuve d’un zèle excessif lorsqu’il s’agit de connaitre des litiges qui touchent, de près ou de loin, la personne de "Joseph Kabila". Avocat de profession, l’actuel directeur du cabinet présidentiel, Néhémie Mwilanya Wilondja, veille au grain. Il fait et défait des carrières dans la magistrature.

Des juges sous influence

Des observateurs s’interrogeaient, jeudi, sur la légalité de la "procédure de flagrance" à laquelle a eu recours cette haute juridiction dont les décisions sont non-appelables. Entre l’interpellation et la première audience à la CSJ, il s’est écoulé exactement six jours. "Crime ou délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre". Telle est la définition du "flagrant délit".

Dans un mépris total de la vie et de la dignité de la personne humaine, des policiers ont extrait l’accusé Diongo des cliniques Ngaliema où il était soigné pour le présenter devant les juges. L’opposant a suivi la sentence sur son lit d’hôpital tout en étant sous perfusion.

Membre de l’équipe de défense de l’opposant, l’avocat Jean-Marie Kabengela a affirmé que les juges ont reçu des directives au téléphone leur ordonnant de condamner leur client. "On a vu le juge devant lequel on soulève les exceptions de constitutionnalité se métamorphoser et se comporter comme si c’était lui le juge de la constitutionnalité, a confié Me Kabengela à l’AFP. Les juges n’ont pas remis en cause les informations qui nous sont parvenues selon lesquelles, ils ont reçu des coups de fil leur demandant de condamner Franck Diongo". Et d’ajouter : " Vous avez vu que notre client était sous torture. Depuis le matin, il était sous perfusion, en train d’être soigné et cela ne se passe dans aucun pays au monde. Cela étant constitutif de tortures, notre client se réserve le droit de défendre ses droits notamment dans tous les pays signataires de la convention contre la torture".

Au moment de la lecture de l’arrêt, l’accusé a lancé ces mots en direction des juges qui agissaient sous influence : " Rendez votre arrêt que vous avez dans votre poche, je me tais et je ne parlerai plus".

Dans le viseur de "Kabila"...

Connu pour son franc-parler, le député national Franck Diongo se trouvait depuis belle lurette dans le "viseur" de "Joseph Kabila" et de ses sbires.

Dans une déclaration faite, en novembre 2015 à un média africain basé à Paris, le parlementaire avait accusé le Président sortant congolais d’être "responsable" de la crise politique actuelle. Pour lui, seul le départ de ce dernier était la condition nécessaire pour décrisper le climat politique.

Lors d’un point de presse qu’il avait co-animé avec son collègue Jean-Claude Vuemba à Bruxelles, au cours du même mois, Diongo n’est pas allé par quatre chemins. Il a martelé que le blocage du processus électoral procède d’une "action organisée et planifiée et non d’une force majeure". Il a, par ailleurs, désigné "Kabila" comme étant le responsable du retard qu’accuse la tenue des consultations politiques.

In tempore non suspecto, le député Diongo n’avait pas manqué de dénoncer l’inféodation tant de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) que des cours et tribunaux à l’institution Président de la République. "Joseph Kabila a inféodé toutes les institutions à sa cause, lançait-il. Il est à la tête d’un pouvoir héréditaire et militaire. Les cours et tribunaux sont instrumentalisés pour arrêter les opposants".

Pour Diongo, il fallait "débloquer" le processus électoral. De gré ou de force. Dans le premier cas de figure, «Joseph Kabila» devait, selon lui, faire un message à la nation pour annoncer qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Dans le second cas, il incombe à la population d’appliquer l’article 64 de la Constitution en barrant la route à la dérive dictatoriale. "Il s’agit de la prise de conscience par le peuple congolais qu’un individu a engagé le pari de confisquer le pouvoir d’Etat", avait-il précisé.

Le roi lion

En février 2016, Franck Diongo est revenu à la charge après l’annonce faite par le bureau politique de la "majorité présidentielle", en date du 22 février, selon laquelle "Joseph Kabila" reste en fonction jusqu’à l’investiture de son successeur. En clair, en cas de non-tenue de l’élection présidentielle, il n’y aura pas vacance au sommet de l’Etat le 20 décembre 2016.

Un avis balayé le lendemain du revers de main par Diongo. Pour lui, "Joseph Kabila cesse d’être président de la République à la date du 20 décembre 2016". Une prise de position qui n’a pas manqué de faire grincer les dents au sein du "clan kabiliste" où le pouvoir d’Etat est considéré comme un "bien".

Ceux qui ont eu l’occasion de côtoyer "Joseph Kabila" ont l’habitude de le décrire comme un homme arrogant et fort rancunier. Eugène Diomi Ndongala, Vano Kiboko Kilembe, Jean-Claude Muyambo Kyassa, Jean-Bertrand Ewanga, Moïse Katumbi Chapwe, Georges Mawine, Moïse Moni Della en savent quelque chose.

Franck Diongo vient d’être condamné à cinq années de prison sous le fallacieux prétexte d’avoir séquestré des éléments de la "garde présidentielle". On se demande bien ce que faisaient ces militaires aux allures de membres d’une milice devant le domicile de Diongo. Le rôle de la garde républicaine ne consiste-t-il pas à assurer notamment la sécurité des bâtiments de la présidence et celle du chef de l’Etat et des membres de sa famille?

Les Kinois ont encore frais en mémoire un incident survenu le 19 octobre 2010 sur le boulevard du 30 juin. Ce jour là, Zoé "Kabila" a fait tabassé, par ses gardes, les policiers Yandu et Mukoyo chargés de réguler la circulation au niveau du rond-point Socimat. Une violence indigne de la part d’une personne qui devait briller par son exemplarité. L’affaire fut classée sans suite. Commentaire d’un analyste politique : "Joseph Kabila se prend pour le roi lion. Pour lui, le Congo est devenu une jungle où il fait régner sa loi. Il a tort de refuser de comprendre, avant qu’il ne soit trop tard, que la grande majorité des Congolais ne veut plus de lui...".
Baudouin Amba Wetshi


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